Where is she ☼ Levia & Mateus

Où est-elle passée ? Une énième fugue. Il n’a pas besoin de ça, ni maintenant, ni jamais. Cette fille va finir par le rendre fou. Oh il l’a su dés le début, dés le premier regard. Il a lu dans le sien qu’elle ne lui laisserait pas une seconde de répits, qu’il venait de signer le début d’un doux cauchemar. Alors qu’il cavale dans les rues animées de Costal Del Sol, il dresse la liste des endroits dans lesquels elle aurait pu se rendre. Elle ne manque jamais d’imagination, pour ça, ni d’astuces pour échapper à se vigilance. Une seconde d’inattention et voilà que la belle détale. Ce coup-ci, il l’a deviné, il l’a senti, mais il était déjà trop tard, quand il avait ouvert la porte de la loge, elle s’était déjà fait la malle. Quelle plaie.

Et quel plaisir elle prend ! Il imagine déjà son sourire dangereux quand il va mettre la main sur elle. Une gosse qui joue à cache-cache, attrape-moi si tu peux. Elle le teste. Mais ce soir, il n’est pas en terrain connu. Costa Del Sol, il ne s’y est rendu qu’une seule fois par le passé, et les contours de ce souvenir sont flous. Bien qu’en traversant les rues de la ville quelques réminiscences lui reviennent, rien d’assez précis ne lui saute à l’esprit pour pouvoir lui indiquer par ou elle a bien pu passer…

Il arrive au port. Quelques jeunes dansent frénétiquement sur la plage en riant, il observe le petit groupe en espérant presque l’entre apercevoir. Mais la tempête blonde n’est pas là. Pas impossible cependant qu’elle leur ait rendu visite, mais pour le moment il n’envisage pas de parler à trop de monde de sa soudaine disparition. La plupart du temps il la retrouvait assez vite, il craint ce soir qu’elle ne lui rende la tâche plus compliquée. Un pressentiment.

Alors qu’il traverse le ponton, la crainte insupportable qu’elle ait empruntée un véhicule pour une ballade maritime le tétanise. C’est peu probable, mais rien n’est impossible avec Loveless. Alors qu’il accélère le pas, il croise une jeune femme en rentrait, assise sur un banc. Fait-elle partie du groupe un peu plus loin ? S’est-elle isolée de l’agitation ? Peut-être n’a-t-elle rien à voir avec eux, mais il met sur le compte de l’alcool ou d’un autre stupéfiant son air hagard.  « Toi. » L’apostrophe t’il en s’avançant vers elle.  « Tu n’aurais pas vu une fille blonde dans le coin ? Partir avec… Quelque chose ou quelqu’un ? » Poursuivit-il en désignant l’océan. Autant rayer cette hypothèse au plus vite de la liste des possibilités.

Pourquoi met-elle autant de temps à répondre ? Il s’impatiente, plante son regard dans celui de la jeune fille, et quand enfin elle ouvre la bouche pour lui apprendre que personne n’a quitté le port, il ne s’autorise pas immédiatement à être soulagé. « Tu pourrais être étonné. » grince t'il en observant l’océan, persuadé que sa fugueuse à plus d’un tour dans son sac et convaincu qu’elle pouvait trouver, et ce à n’importe quel moment de la journée, un moyen de s’en aller par la plus incongrue des voies. L'ancien soldat passe une main sur son front, se détourne de la mer et décide sur un coup de tête de croire la gamine. Leur petit campement, en imaginant qu’elle faisait bien partie du groupe de fêtards, semblait être installé là depuis un moment. Et personne n’aurait pas pu louper la chanteuse, n’est-ce pas ?

Le portable de son interlocutrice émet de la lumière, un nom s’affiche sur l’écran mais elle ignore l’appel. Instinctivement, il la trouve antipathique, non pas que la pauvre enfant ait fait quoi que ce soit de grave, seulement, il pense à tous ces appels et messages que Loveless à elle-même ignoré depuis qu'il la cherche et le fait que la gamine néglige de répondre l’agace. Bien qu’il ignore tout de ce Staniv, il ressentirait presque de l’empathie pour lui, surtout que le bougre semblait insister. Du coin de l’œil, il l’observe, lui indique silencieusement qu’elle peut prendre le coup de fil, mais elle s'en moque et préfère soulever qu’ils ne manquent pas de blonde par chez eux. Alors il rit amèrement et secoue la tête en fourrant ses mains dans ses poches. « Peut-être bien, mais elle, on la remarque. »

Et alors c’est comme un petit miracle. À peine ses doigts effleurent-ils son PHS que l’engin se met à vibrer. Il sort l’objet avec empressement, et découvre le message que lui a laissé Loveless. Une photo. Un bout de mur. Un indice, sûrement, pour lui indiquer où elle se trouve. Rien de plus, sinon un cœur qu’elle a insolemment osé joindre au tout. « Merde ! Quelle plaie, merde ! » Il s’emporte, fait quelques pas comme un lion en cage, se rappelle qu'il n’est pas seul et adresse un signe à son interlocutrice. Il voulait lui présenter des excuses muettes, mais au final son mouvement de main est plus agacé qu'il ne l’aurait souhaité. Elle peut, peut être, l'aider, quoi qu'il en doute, alors il faudrait tout de même faire bonne figure, au cas où. « Tu n'es pas d'ici on est d’accord ? Tu me seras d’aucune utilité, tu ne connais pas le coin ? » Staniv appel. Une fois. Deux fois. « Décroche ce téléphone, éteint le, je ne sais pas, mais fait quelque chose ! » Finit il par lacher avec froideur. C’est plus fort que lui, il n’a beau pas vouloir se mêler de ce qui ne le regarde pas, il est à cran et il ne relâchera pas la pression tant qu'il n’aura pas mis la main sur la diva.

Ce n'était pas la sympathie qui l'étouffait, ce drôle de Monsieur. Il semblait tendu comme un ressort, aux aguets. Non, il y avait définitivement quelque chose qui n'allait pas et Levia se demandait si elle devait lui proposer son aide ou au contraire chercher à fuir sa présence. Sa réponse était aussi grinçante qu'une porte mal huilée et n'améliorait en rien la première impression de la jeune fille. Seul le fait qu'il semblait las, à bout et qu'il partait sur le visage ce qui ressemblait à des blessures de guerre incita la jeune fille à ne pas fuir. Il semblait un peu jeune pour avoir combattu à Wutai... Encore que les Premières Classes qui avaient fait tant de morts étaient à peine des adolescents à l'époque. Peut être avait-il de la matéria sur lui ? C'était une raison suffisante pour ne pas le fuir.

Le portable a beau ne pas sonner, difficile de manquer la lumière qu'il émet, tel un phare dans la pénombre. Levia avait supprimé la photo qui ornait habituellement le contact. Une photo d'elle et son père. En partie parce qu'afficher sa parenté avec le numéro deux du Wusheng en territoire SHINRA n'était pas l'idée du siècle et aussi parce qu'elle se sentait coupable de l'avoir laissé derrière elle lorsque cette image s'affichait. Évidemment, l'inconnu ne manque pas de le remarquer et son petit signe de tête agacé ne facilite pas la situation. Non, elle ne comptait pas décrocher. Et puis ce n'était pas ses affaires. Il avait d'autres chats à fouetter avec sa blonde disparue non ? Elle devait être quelque chose car, dans sa voix, en plus de l’exaspération, on détectait une certaine révérence. Elle lui en faisait voir de toutes les couleurs et apparemment, le pauvre bougre semblait presque aimer ça. Ah... les hommes. Cela avait au moins le mérite de le rendre moins grossier. Presque intéressant.

Et le voilà qui reçoit un message. Qui jure, qui s'enerve. Bon, pas besoin de sortir avec mention de l'Académie pour deviner qu'il s'agissait de la fameuse blonde. Levia ne sut pas vraiment comment interpréter son signe de main mais décida de se lever pour voir ce qui l'avait mis dans cet état. Elle s'approcha donc téléphone à la main. Sa question surprend la jeune fille. Il n'avait pas l'air du genre à demander de l'aide. Alors elle hausse les épaules.

« Je peux toujours essayer. »

Elle n'a pas mieux à faire Levia. A part éviter encore les appels de son père. Le téléphone s'allume encore et encore. Et voilà que le drôle de type s'énerve. Sourcil arqué dans une attitude princière qu'elle n'utilisait d'habitude pourtant jamais, la jeune fille fait glisser le téléphone dans son sac. Le nom de Staniv disparaissant dans les méandres de son barda.

« Si tu veux que je t'aide, il faudra revoir l'attitude. J'ai pas fait tout ce chemin pour me faire donner des ordres par un inconnu. »

Le ton est ferme mais pas agressif. Levia n'avait pas envie de s'en faire un ennemi et surtout, elle était très curieuse. Trop sans doute.

« Moi c'est Levia au fait. Et si tu m'expliquais le problème ? »

Vu sa tête, ça n'allait pas être une mince affaire.

Je peux toujours essayer. Mateus ferme les yeux, colle le coin de son téléphone contre son front et souffle bruyamment. Ce n’est pas la réponse qu’il attendait. Il tente de garder son calme, sans grand succès. Pourquoi fallait-il toujours qu’il se coltine des incapables ? Pourquoi les autres, par politesse, souvent, vous répondaient qu’ils pouvaient éventuellement aider, alors qu’au final, ils ne faisaient que de vous faire perdre quelques minutes précieuses ? C’est trop. « Mais je m’en fous que tu puisses essayer, soit tu peux m’aider, parfait, soit tu me dis non et dans ce cas, j’arrête de perdre mon temps, je me casse. » Tranche t’il froidement avant de relever la tête vers son interlocutrice.

À partir de cet instant, il admire le fait qu’elle se tienne toujours debout devant lui. Aussi irrité soit-il, il mesure qu’il va trop loin et lorsqu’elle l’invite calmement à revoir son comportement, il comprend le message. Sûrement aurait-il réagi autrement si, comme lui, elle avait joué la carte de la provocation… Alors il la remercie silencieusement de ne pas avoir envenimé la discussion. La gamine semble réfléchie, sa réponse lui plaît, il hoche vaguement de la tête comme pour signifier que le message est passé et finit par lâcher à son intention. « Désolé. Mateus. » Ce n’est pas tous les jours qu’il présente des excuses mais ça… Elle n’est pas censée le savoir. Qu’importe. « Je dois retrouver quelqu’un. Elle m’a envoyé ça. » Là-dessus, il montre l’écran de son téléphone. La simple vision de ce mur suffit à l’agacer toujours plus. Il faut que ce petit jeu cesse, et vite. « Elle trouve son petit numéro très amusant, mais en attendant s’il lui arrive quelque chose… » Il ne termine pas sa phrase, l’inconnue n’a pas besoin d’avoir tous les détails de l’affaire, juste de saisir l’urgence de la situation. Car Loveless peut être en danger, à n’importe quel moment. Quand bien même on mettait de côté les menaces proférées à son encontre, elle était aussi un aimant à problèmes, un véritable cataclysme qui avait le don pour se fourrer dans des situations impossibles. Pourtant s'il lui arrivait quelque chose, comme il l'avait supposé à voix haute plus tôt sans donner de suite à sa phrase, il ne se le pardonnerait pas.

Mais quel malotru. Jamais dans sa courte vie Levia n'avait rencontré un tel spécimen. C'était sans doute lié au fait que chez elle, tout le monde la traitait avec respect – parfois même un peu trop – ou alors faisait partie de ses amis. Aussi n'avait-elle jamais été mise dans une telle situation. Elle avait pu se rendre compte depuis le début de son voyage que les gens pouvaient parfois se montrer grossier mais jamais encore on ne lui avait parlé comme ça. Ca ne plaisait pas beaucoup à notre petite princesse qui tâchait néanmoins de garder une certaine contenance bien que la moutarde commençait doucement à lui monter au nez. Pourtant, Levia ne répondit pas par la surenchère. Elle préféra garder son calme, ne jugeant pas la situation digne de son énervement. Elle ne comprenait pas ce que cet homme cherchait mais il semblait excéder par quelque chose qui n'avait rien à voire avec la jeune fille.

Son calme sembla être apprécié. En effet, son vis à vis sembla enfin se calmer et s'ouvrir à une discussion plus constructive. Il s'excuse même. Est-il réellement désolé ? Peut être pas mais la jeune fille s'en moque. Mateus donc. Quel drôle de nom. La demoiselle inspecta donc le téléphone. Fronçant les sourcils. Elle connaissait cet endroit. Mais ou l'avait-elle déjà vu ? Levia avait fait du repérage dans le quartier commerçant et, plus précisément, autour du magasin de matéria. Ce devait donc être dans ces abords là. Si elle le reconnaissait tout de suite, cela risquait de paraître suspect non ? Autant rester plus évasive au départ et le rapprocher de l'endroit au fur et à mesure. La petite princesse nota également que c'était une femme qui était la cause de tous les tourments de Mateus. Aussi agacé soit-il, elle n'avait pas manqué de remarquer une certaine crainte dans sa voix. Il craignait pour elle et c'était cet élément plus que tout autre qui décida Levia à l'aider.

« Je pense avoir vu ce mur dans le quartier commerçant. Je ne sais pas où exactement mais je pense que ça me reviendra une fois sur place. »

D'un mouvement gracieux, la jeune fille parti en direction dudit quartier avant de se retourner pour s'assurer que Mateus la suivait.

« Tu viens ? Plus vite on y sera plus vite on retrouvera ta copine. »

L'était-elle seulement ? En réalité, Levia prêchait le faux pour savoir le vrai. Il l'avait rendue curieuse avec ses mystères. Quel genre de femme risquait de s'enfuir en bateau en plein milieu de la nuit ou envoyait des photos cryptiques pour qu'on la retrouve ? Quelqu'un de très intéressant à n'en pas douter. Plus intéressante en tout cas que cette fête improvisée. L'alcool avait beaucoup moins d'intérêt et de savoir quand un certain jockey n'était pas avec elle. A vrai dire, il était rare qu'elle ne pense pas à lui depuis leurs adieux au Gold Saucer. Leur soirée avait eu un petit goût d'éternité. Mais là n'était pas la question. Levia s'était trouvé une nouvelle mission et comptait bien la mener à son terme, guidant d'un pas sur Mateus du port au quartier commerçant. Tournant et retournant sur elle même avant de pointer du doigt la direction du magasin de matérias. Restait à trouver exactement ce pan de mur. Et que son étrange compagnon ne lui pose pas trop de question sur son sens de l'orientation.

Mateus demande rarement de l’aide. Il estime que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, qu’à attendre des autres on ne peut qu’être déçu. Cependant, lorsqu’il lui arrive de faire appel à quelqu’un, il devient intransigeant. A partir du moment où il confie une tache, dans la mesure ou l’autre accepte, il ne supporte pas que les choses soient faites à moitié. Si la personne échoue et lui renvoie qu’il n’avait qu’à se débrouiller seul, ladite personne assistera à une belle explosion de rage. L’incompétence des uns et des autres l’insupporte au plus au point, il est évident que tout être est profondément égoïste et cherchera à se dédouaner en cas de non réussite du projet, c’est pourtant inexcusable de son point de vue… Il espère donc ne pas se tromper en plaçant ses espoirs dans la jeune adolescente qui reconnaît visiblement le mur photographié par Loveless et se lève, prête à s’y rendre. Il n’est pas foncièrement rassuré par le manque d’assurance de sa réponse, l’emploi de « je ne sais où exactement » coller à un « je pense que ça me reviendra » ne remporte pas ses faveurs. Mais il n’a pas de meilleures pistes…

Alors qu’elle se retourne et l’invite à le suivre, elle sous-entend que la fugueuse et lui serait en couple. Il n’a pas envie de perdre de temps à lui expliquer qu’elle était loin du compte, il ne veut pas exposer tous les détails de cette affaire, déjà assez honteux de devoir faire appel à elle. Loveless et lui ? Ce serait mentir que de soutenir qu’il était indifférent à elle, mais dérisoire d’imaginer quoi que ce soit entre eux. Il en veut maintenant à cette Levia de lui avoir flanqué dans le crâne des images dont il se serait bien passé lors de cette recherche. Il tente vainement de s’en débarrasser alors qu’il emboite le pas de la gamine.

C’est vrai ça, quel âge a-t-elle ? Moins de vingt ans à coup sûr, non ? D’ailleurs… « Hé, tu ne leur dis pas que tu t’en vas ? » Demanda t’il en désignant le petit campement sur la plage. Une fugitive à gérer pour la soirée c’était déjà bien assez suffisant.

Le quartier commerçant n’était pas si loin du ponton, bien que Levia ait semblé hésiter à chaque coin de rue. Son sens de l’orientation commençait sérieusement à l’inquiéter quand ils étaient finalement miraculeusement arrivés à bon port.

Levia indique une boutique de matérias, Mateus lève les yeux vers l’établissement avant de chercher du regard le dorénavant célèbre pan de mur, se référant sans cesse à la photo que lui a envoyée la fugueuse. Lorsqu’il tombe enfin dessus, le soulagement est de courte durée. Car que pouvait il faire, maintenant, sinon continuer de chercher ? « Levia. » Il appelle sa partenaire d’infortune, lui indique sa découverte avant de se tourner vers elle. « Ecoutes, dans le cas où elle serait dans le coin, si elle me voit, elle risque de vouloir poursuivre son petit manège et de me faire courir à travers la ville toute la soirée… » Il marque une pause. Il ne sait même pas si elle n’a pas déjà prévu tout un jeu de piste. Cette idée lui flanque le tournis. « Mais imaginons deux secondes qu’elle soit encore dans le quartier, elle n’a aucune raison de se méfier de toi. Si tu la vois, fais-moi signe compris ? Je vais par-là, occupe-toi de ce coin ci. » Il ne lui a pas demandé son avis… Mais il voit bien que Levia veut connaitre le fin mot de l’histoire, qu’elle ne le laissera pas tomber. Pas maintenant. « Une belle blonde, ne t’étonne pas de la voir là. Peut être flanquée d’une brunette avec un menton pas possible. Mais sans certitude, concentre-toi sur la blonde. » Après tout il n’exclue pas que cette saloperie d’Ariadne soit de la partie, elle n’était plus à l’hôtel elle non plus… Mateus réalise bien sur qu'avec le peu d'indication qu'il lui donne, Levia pouvait honnêtement se méfier et faire demi tour, peut être d'ailleurs serait-ce là le comportement le plus raisonable à adopter... Mais il tente le tout pour le tout, si jamais elle le laisse sur le carreau, il trouverait bien autre chose...

Levia était un peu déçue qu'il ne lui donne pas plus d’informations. Sa curiosité était piquée et elle voulait vraiment en savoir plus sur cette mystérieuse jeune femme. Qui était-elle ? Étaient-ils bien ensemble ? Pourquoi ce drôle de jeu de piste. Des mystères, beaucoup trop de mystères. La petite blonde était déjà sur le pied de guerre, prête à partir à l'aventure. Elle avait surtout besoin de se changer les idées. Au milieu de tout, voilà que Mateus l'interroge sur un ton paternaliste. Elle n'avait pas dix ans ! Elle pouvait quand même s'éclipser sans avoir à faire une annonce générale. La vérité c'est qu'elle avait déjà dit à Yoa qu'elle comptait rentrer. Levia pensait trop à Gabriel pour avoir le cœur à la fête. Elle avait découvert tout un nouveau monde entre ses bras et... il lui manquait terriblement. Elle avait cru qu'une coupure nette, sans échange de téléphone, l'aiderait mais ce n'était pas du tout le cas. Il se frayait un chemin dans son esprit aux moments les plus impromptus.

- Je leur avais déjà dis que j'allais rentrer. J'ai pas vraiment le cœur à la fête aujourd'hui.

Levia avait dit ça avec le sourire pour masquer sa mélancolie. Entre le mal de Gabriel et le mal du pays elle ne savait pas ce qui la touchait le plus aujourd'hui. Ce petit jeu de piste ne pourrait que l'aider. Tirer les vers du nez de ce petit Monsieur également. Elle l’entraîna donc à sa suite jusqu'au quartier commerçant. Il finit par trouver le pan de mur qu'il cherchait mais Levia fut un peu déçue. C'était tout ? Pas de jolie blonde à l'attendre ou de message codé ? Plus elle l'écoutait et plus elle avait l'impression d'assister à une querelle d'amoureux. Ou à une parade nuptiale d'un nouveau genre. Difficile à dire. Il a l'air à bout le Mateus. Sa dulcinée doit vraiment passer son temps à le faire tourner en bourrique.

- Ne t'inquiète pas je vais ouvrir l'oeil. On va la retrouver.

Garder une attitude positive était la marque de fabrique de Levia. Elle retrouvait ce réflexe facilement même les jours où elle était moins en forme comme aujourd'hui. N'empêche qu'il ne l'aidait pas beaucoup. C'était comme retrouver une aiguille dans une botte de foin. Il y en avait sans doute des tas de femmes blondes peut être accompagnées d'une brune dans cette ville.

- Est-ce que tu sais ce qu'elle portait ? Ça pourrait m'aider. Ne serait-ce que pour exclure certains endroits avec un dress-code.

Oui parce qu'avec son short et son haut de plage, Levia savait qu'elle n'était pas éligible à certains des endroits huppés de Costa Del Sol. Non pas qu'elle ai envie d'y aller d'ailleurs. S'il fallait pénétrer dans ce genre de lieu, ni lui, ni elle, n'étaient habillés pour l'occasion. Entrer par la grande porte leur serait totalement impossible. Plus elle y pensait plus Levia se disait que pour quelqu'un cherchant à se cacher... Ce serait parfait.

« Pas vraiment le cœur en fête, hein. » Répète-t-il presque pour lui, moins pour avoir plus de détails que vaguement amusé par sa façon de le présenter. Mateus, dans le fond, se moquait bien des états d’âme de sa compagne d’infortune. Trop obnubilé par les problèmes qui l’assaillaient, il n’était pas en mesure de noter la mélancolie de la gamine qui avait pris la tête du duo. La plupart du temps, l’ancien soldat apportait peu d’importances aux soucis des autres, pas par pure méchanceté gratuite d’ailleurs, seulement, il manquait tout bonnement d’intérêt et de patience. L’ancien soldat désamorçait toujours brutalement les situations les plus graves en ayant recourt à l’humour noir ou en minimisant leurs impacts. Il n’aimait pas les débordements et préférait croire qu’il était en contrôle, il demandait la même forme de rigueur à ses interlocuteurs, collègues ou conquêtes, ce qui lui avait valu la réputation de parfait goujat. Peut-être Levia tirerait elle la même conclusion à la fin de leur quête.

Pour l’heure, elle l’avait mené jusqu’au point de rendez-vous, du moins espérait-il qu’il le soit. Levia le rassure même, le priant de ne pas s’inquiéter et lui assurant qu’ils allaient la retrouver. Mateus hoche la tête, vaguement agacé par tant de sollicitude, malgré tout reconnaissant qu’elle déploie autant d’énergie dans l’ouvrage. Il pèse le pour et le contre, réfléchis à toutes les informations qu’il pouvait lui donner sans se compromettre. Au même moment, sa comparse lui demande ce qu’elle portait. Il n’a pas longtemps besoin de mobiliser sa mémoire pour dresser son portrait. « Une sorte de combinaison, étonnamment assez sobre, sombre. Courte. » Ajoute-t-il malgré lui. « Elle est connue. Ça me parait assez peu probable qu’elle passe inaperçue. Pas le genre de la maison. » Oh bien sûr, elle savait se faire discrète, surtout si elle avait décidé que cela serait son petit jeu pour la soirée. Cependant ici il avait pu constater qu’elle était connue comme le loup blanc, il n’était pas rare qu’on l’accoste et le profil de ses fans étaient étonnamment varié… Il ne s’était pas encore décidé à divulguer son nom à Levia, ce qui était peut-être stupide, mais tant qu’il demeurait un doute, il préférait taire l’identité de la fugitive. « Ça t’évoque quelque chose ? Un endroit ici ou elle pourrait être tranquille, caché, d’où elle pourrait envoyer toutes ses indications en profitant de sa saloperie de soirée ? » Une liste toute faite se dressait dans sa tête, et pourtant rien ne le convainquait pour le moment. Fallait-il encore qu’il visite tous ces endroits pour s’assurer ou non de sa présence, mais il ne voulait pas perdre de temps. « Un endroit où je pourrais difficilement entrer. » Complète-t-il, persuadé d’un sale coup à venir. Machinalement, il sort de nouveau son portable, zoom sur l’image en se disant qu’il y aurait peut-être un indice qui lui aurait échappé, un signe, une indication plus précise… « Quelle plaie… Pourquoi les bonne femmes font toujours des plans tordues. Qu’est ce que vous espérez ? » Grogne t’il en observant l’image. Il place l’objet de sorte que Levia puisse aussi voir son écran, dans le cas où par miracle elle y comprenne quelque chose.

Levia n'avait pas envie de s'étendre sur sa propre mélancolie. Pas plus que d'expliquer ses états d'âmes à un quasi étranger. Elle voulait lui rendre service et était plutôt curieuse d'enfin croiser cette femme qui semblait prendre un malin plaisir à faire tourner ce pauvre homme en bourrique. Franchement, qui faisait ça ? C'était à n'y rien comprendre. Et lui rentrait dans ce petit jeu et se laissait embarquer. C'était dire le pouvoir que la fameuse blonde devait avoir sur lui. Ce petit jeu de piste était intriguant et Levia devait bien avouer qu'elle se prenait au jeu.

La réponse de Mat ne tarda pas sur la tenue que portait sa belle. Pas vraiment très précis mais c'était un homme après tout. Le point de détail qui semblait l'avoir interpellé était le fait que sa combinaison était courte. C'était plutôt révélateur. S'ils n'étaient pas ensemble – il n'avait pas répondu sur ce point – il n'en était pas moins intéressé. C'était en tout cas ainsi que Levia l'interprétait. Elle n'avait pas beaucoup d'expérience en la matière. Plus qu'en partant du Wutaï certes – beaucoup plus même – mais quand même pas assez pour passer experte en la matière. Mes sourcils se froncèrent alors qu'il mentionnait le fait que la fugitive était connue.

« Je ne connais pas vraiment la plupart des gens "célèbres" par chez vous tu sais. C'est la première fois que je quitte le Wutai. »

Ce n'était pas tout à fait vrai mais sa connaissance des célébrités locales s’arrêtait à un certain jockey. Elle enchaîna rapidement.

« Mais si elle se démarque tant que ça, on aurait déjà repéré un attroupement donc elle ne doit pas être dehors. »

Une photo apparue bien vite dans son champ de vision et Mat exigeait une réponse. Franchement pas le partenaire de travail le plus agréable, surtout que Levia avait bien l'impression de faire tout le boulot dans cette histoire.

« Ça ressemble à un club. Le genre où on ne rentre que sur invitation. J'en connais quelques uns. Une de mes amies a voulu y entrer mais c'est très sélect. »

La princesse s'arrêta quelques instants pour réfléchir avant d'enchaîner, pensive.

« Vu ce que tu m'as dis de ta fugitive, je pense qu'on peut commencer directement par le plus en vue. Mais, il y a de grandes chances qu'on se fasse refouler. »

C'était même plus que sûr mais elle n'avait pas envie d'être tout de suite la cible de la mauvaise humeur qui allait très certainement suivre. Mat-pitbull n'avait pas l'air de considérer 'non' comme une réponse acceptable dans sa quête. Déjà qu'il avait l'air au bord d'un dangereux précipice avec d'un côté l'explosion et de l'autre le désespoir. Il lui faisait un peu pitié en vérité.

« J'en sais rien. Ce genre de jeu de piste bizarre, ça me serait jamais venu à l'esprit. »

Lissant sa tenue pour se débarrasser des derniers grains de sables et se rendre plus présentable, Levia indiqua une bâtisse un peu plus loin. On ne la remarquait presque pas dans le paysage si ce n'est son écriteau chic et le videur terrifiant placé devant. En observant bien, on pouvait voir une file de gens en rang d'oignon dans la ruelle adjacente.

« On tente notre chance à l'entrée ou on passe directement a des moyens plus détournés ? »

La pièce était lancée et tournoyait dans les airs. Pile, face ? Qu'allait-il se passer ?

Mateus prenait le temps de classifier toutes les informations que lui livrait Levia. Sans la regarder, les mains dans les poches, il opinait de la tête l’air concentré. Il devint évident que la diva s’était enfermée dans un club huppé, et certainement le plus sélectif d’entre eux. Un simple coup d’œil à la tenue de l’un, et de l’autre, suffit à leur rappeler qu’aucun des deux ne serait en mesure d’entrer dans ce genre d’établissement. Retourner à l’hôtel pour se changer ? Pas le temps. Ils n’avaient pas même la certitude de passer le contrôle dans le cas ou la soirée serait réservée aux habitués. D’ailleurs pourquoi ajouter Levia à l’équation ? Elle n’était pas obligée de le suivre, sans doute ferait il mieux de la remercier et de la congédier ici. Mais la gamine semblait maintenant impliquée, décidé à avoir le fin mot de l’histoire. Ce n’est cependant pas ce qui décidait Mateus à la garder près de lui, il était persuadé qu’elle pouvait encore lui être utile. « Ouai, bah promet moi de ne jamais le faire. » Grommela-t-il lorsqu’elle lui répondit que la création d’un pareil jeu de piste ne lui serait jamais venue à l’esprit.

Ils avaient ciblé un établissement. Une espèce de taureau en gardait l’entrée, du moins celle réservée aux gens importants. La populace, elle, s’agglutinait à l’extérieur en rang d’oignons et piaillait en attendant de pouvoir côtoyer l’élite. Quel enfer. « Ça semble plutôt clair qu’avec nos dégaines, personne ne nous laissera entrer. » La seule porte par laquelle ils pourraient passer, ce n’était guère que… « Celle de service. » Pensa-t-il à voix haute. Le tout sans attirer l’attention des vigiles. S’ils avaient le malheur de se retrouver dans leurs collimateurs, ils pouvaient faire une croix sur leur tentative d’intrusion. « On va faire le tour. » Lança-t-il en prenant la tête du duo.

Ils dépassèrent la queue formée pas ceux qui attendaient plus ou moins patiemment d’entrer à l’intérieur et jeta au passage un coup d’œil au bref aperçu qu’on en avait. Rien de concluant, si ce n’est un détail intéressant, le jeu de couleur tamisé de l’établissement correspondait à la photo. Il ne pouvait pas être certain d’être sur la bonne piste, après tout, la majorité de ce genre d’endroit adoptait ce genre d’ambiance, mais il avait besoin de croire qu’ils ne se trompaient pas. Ils dépassèrent l’angle de la rue et se retrouvèrent dans une ruelle moins éclairée. Quelques traces de mégots au sol, sûrement abandonné là par les employés lors de leur pause puisque devant eux, une porte métallique, sobre, s’apparentait à celle de service. Quelques mètres plus loin, des lucarnes. Les bruits de chasses d’eau lui permirent de confirmer qu’il s’agissait des sanitaires. Au vu de l’étroitesse des fenêtres, il se félicitait d’avoir poursuivi l’aventure avec Levia. « Tu penses pouvoir passer par là ? Tu fais le tour à l’intérieur, et tu viens m’ouvrir la porte de service. » On ne pouvait pas le qualifier d’expert dans la matière. Tout ça lui rappelait vaguement quelques transgressions lorsque lui et certains camarades de dortoir entraient par effraction dans des établissements pour y passer la nuit en buvant des bières, mais il avait toujours été guetteur, jamais celui qui s’occupait de forcer une porte ou exécutait des cabrioles pour obtenir le sésame qui leur permettraient d’entrer. Alors peut être que Levia, qui lui avait indiqué venir de Wutai, avait apprit quelques galipettes qui lui permettrait d'escalader le mur sans encombres. Réalisant ô combien cette pensée un tantinet réductrice lui aurait couté quelques points de confiance s'il avait formulé à voix haute, il se félicita encore une fois d'avoir fait preuve de bon sens en la gardant pour lui.

Drôle de bonhomme que ce Mateus qui tentait de lui arracher des promesses sans queue ni tête. Cette fille avait l'air de lui faire totalement vriller le cerveau. Enfin, on pouvait s'y attendre de la part d'une personne inventant de drôles de jeux de pistes et, surtout, de celle qui les suivait bien docilement. Levia avait bien envie de voir la tête de cette femme après avoir crapahuté dans toute la ville avec sa victime. La princesse n'avait rien promis. C'était bien inutile, elle ne voyait pas dans quelles circonstances une idée pareille pourrait bien la traverser.

Ils avaient fini par repérer ce qui, Levia l'espérait, était l'établissement dans lequel se trouvait la fugitive. Restait à présent à pouvoir y entrer. La demoiselle avait rapidement avisé le gardien. Grand. Musclé. Patibulaire. Il avait le physique de ceux à qui on ne veut surtout pas se frotter. Une mine des mauvais jours agrémentait le tout. Levia le détailla d'un regard clinique avant de repérer ce qui l'intéressait. Bien. Mat avait raison. Ils ne faisaient pas partie de la clientèle cible de ce genre d'établissement. Et, quand bien même minuit avait sonné rendant par la même la demoiselle majeure, elle n'avait pas de papier pour le justifier. Le jeune homme souhaitait les faire passer par l'entrer de service. Soit, bonne idée. Encore faudrait-il pouvoir l'ouvrir. Longeant les badots et le vigile posté à l'entrée, Levia fit un rapide écart et, profitant d'un instant d'inattention du garde, lui faucha ce qui semblait être un passe-partout. L'action n'avait pas même duré quelques secondes. Indétectable. Elle était douée pour ça. Un talent naturel doublé de l'enseignement d'un maître voleur. Alors faire les poches d'un pauvre vigile qui ne s'y attendait pas... Facile.

Levia laissa Mateus inspecter les alentours. Observer par où ils pouvaient entrer. Le bruit de chasses d'eau arracha une grimace à Levia. Encore plus alors qu'il lui fit part de son plan de la faire passer par là. C'était tout simplement dégoûtant. En tout cas, une chose était sûre, son compagnon d'infortune n'était pas un cambrioleur né. Rentrer ou que ce soit par effraction ne devait pas faire partie de son contrat de travail et Levia se demanda un instant comment il aurait bien pu procéder sans son aide ? Qu'est-ce qu'il s'imaginait, qu'elle allait voltiger toute de noir vêtue jusqu'à la fenêtre et le tout dans un nuage de fumée ? Ridicule.

Inclinant la tête de côté, elle sorti le passe-partout de sa poche et le secoua devant le visage de Mateus.

« Ou alors on ouvre la porte. Tout simplement. »

Anticipant les interrogations qui n'allaient sans doute pas manquer, elle secoua la tête.

« Pas de questions. Il faut faire vite ou ta copine risque encore de s'éclipser. »

Dans tout bon jeu de cache-cache, ne fallait-il pas, après tout, savoir varier ses positions ? Quand on ne se faisait pas prendre, savoir retourner sur un lieu déjà fouillé vous assurait la victoire. Savoir jouer à ce petit jeu s'était révélé très utile pour duper le personnel de la maison de son père et pouvoir s'éclipser afin de jouer et de s’entraîner avec ses amis. C'était toujours tout une aventure.

L'héritière posa son oreille contre la porte de service pour essayer de déterminer si quelqu'un se trouvait de l'autre côté. Satisfaite de son inspection, elle plaça la clé dans la serrure avant de tourner d'un coup sec et rapide. La porte s'ouvrit, sans grincement suspect et elle agrandit l'ouverture pour faire signe à Mat de passer. Les choses sérieuses allaient pouvoir commencer.

Mais où diable avait-elle trouvé cette clé ? Alors que Levia agitait fièrement le sésame sous son nez, Mateus la détailla du regard comme s’il la découvrait sous un nouvel angle. Qui était-elle, cette gamine ? Bien qu’elle lui sommât de ne pas poser de questions, il changea légèrement d’attitude à son égard. Les poings sur les hanches, il l’observa écouter à travers la porte, décider qu’ils ne courraient aucun danger et l’ouvrir. « Ouai. » Se contenta t’il de lui répondre alors qu’elle entrait dans le bâtiment. Il continuait de s’interroger sur l’identité de sa co-équipière d’un soir, réalisait non sans un certain sentiment de déshonneur que dans cette entreprise, elle s’avérait être bien plus utile que lui. Il ne pouvait que se féliciter d’avoir eu le nez pour faire appel à ses services. Enfin, il n’avait pas le loisir de spéculer plus longtemps, comme elle l’avait sagement averti, il devait retrouver la piste d’Aileen dans l’établissement avant qu’elle ne lui échappe à nouveau.

Il suivit donc Levia à travers le couloir de service en consultant une dernière fois la photo qu’on lui avait envoyé. Les parois vibraient au rythme des basses, plus ils s’approchaient de la salle principale, plus s’alourdissait le son autour d’eux. Quelle démarche adopter une fois à l’intérieur ? Il n’avait pas spécialement envie que Loveless cri au scandale quand il mettrait la main sur elle, elle en était capable. Après tout n’était ils pas rentré là sans autorisations ? Cette diablesse était tout à fait capable de le faire renvoyer de l’établissement dans la disgrâce en prétendant qu’elle ne le connaissait pas. Il en était presque au point de se demander si ce n’était pas là l’un des objectifs de ce plan diabolique. Ce qu’elle n’avait peut-être pas anticipé, c’est qu’il fut accompagné. Levia, encore une fois, pourrait lui être utile. Mais comment l’attirer à lui ? Ressortir par là où ils étaient entrés ? Peut être bien. Les toilettes étaient proches. Faudrait il crée un incident qui pousserait la starlette à s’y rendre ? Parti de là il lui suffirait de la cueillir et ils quitteraient l’établissement sans esclandre. Le plan lui paraissait trop parfait, il doutait qu’il puisse le réaliser sans encombre.

Dans un premier temps, il allait devoir la localiser. Alors qu’ils pénétraient enfin dans l’enceinte, Mateus ne put que se confronter à l’idée que leur duo détonnait. On aurait dit que toute la jeunesse dorée de Gaïa s’était donné rendez vous sur cette piste de danse, avec leur dégaine, ils ne passeraient pas longtemps inaperçu. Il sonda rapidement l’espace, se concentra autour de celui qui semblait être décerné à l’élite et remarqua enfin la blonde. L’ancien soldat revint sur ses pas et se tourna vers Levia. « Elle est là. Dans l’espace VIP, la blonde en combinaison. Tu la vois ? » S’assurera t’il avant de poursuivre. « Bon, comme je disais, connaissant le personnage elle va faire un scandale si elle me remarque. Je n’ai pas spécialement envie de l’attendre toute la nuit dehors. C’est sûrement ce qu’elle veut, pas moi. » Il en était même tout bonnement hors de question. « Est-ce que tu penses pouvoir l’attirer ici, près des waters ? Je pourrais la récupérer au vol, on sortirait par la porte de service. » A ce stade, il se demandait si Levia le suivait toujours, si elle ne se posait pas plus de questions sur cette entreprise, ce qui serait légitime. Il craignait qu’elle se dérobe, trouve finalement suspect qu’il fasse appel à un tiers pour la récupérer et se senti obliger d’apporter quelques précisions. « Ca vaut ce que ça vaut, mais si tu te poses des questions, je t’assure que tout ça est… Malheureusement banal. » Non, ça n’aidait certainement pas beaucoup. « C’est une chieuse. Je suis censé la protéger. Elle n’apprécie pas des masses qu’on lui ait flanqué quelqu’un pour s’occuper de sa sécurité, toute persuadée qu’elle est de ne pas en avoir besoin. Elle s’amuse à me faire tourner en bourrique depuis. » C’était dit, il espérait avoir été convainquant car sans son aide… La nuit risquerait d’être un peu plus longue.

Levia ne connaissait que trop bien ce regard. Cet air dubitatif et vaguement suspicieux de ceux qui ne l'avait pris que pour une poupée de porcelaine inoffensive. Son père la regardait comme ça gamine quand elle s'amusait à faucher des objets dans ses poches. Elle s'imaginait qu'il serait fier. Le vol était un art après tout. Ce n'était pas comme si elle comptait utiliser ses talents à mauvais escients. Mais, comme Mateus il avait simplement changé d'attitude. Plus méfiant. Moins indulgent. Peut être était-ce pour ça qu'il avait refusé que sa fille entre à l'académie. Il voulait la protéger de tout. Préserver sa petite princesse des aléas de ce monde. Levia, elle, aurait préféré qu'il passe moins de temps à sillonner le continent ou à arpenter la pagode et plus de temps avec elle. Qu'il la laisse être une enfant normale. Se poser sur les bancs de l'école avec ses amies. Vivre tout simplement. Qu'aurait-il dit se ses aventures depuis son départ ? De son aventure avec Gabriel surtout. C'était supposé être un coup de folie, un souvenir à chérir et pourtant, elle pensait à lui tous les jours. Même là avec ce drôle d'individu.

Après avoir traversé le premier couloir, Levia laissa tomber la clé au sol, comme si le vigile l'avait égaré là. Hors de question d'être vue en possession de cet objet. Si la situation venait à dégénérer, la jeune fille n'avait pas vraiment envie qu'on l'enferme pour vol. Elle n'avait jamais mis les pieds dans un tel endroit. Des bars oui. Elle en avait vu quelques uns mais jamais de clubs. Katana lui en avait parlé. Elle lui racontait toujours le monde. Quand elle sortait peu, c'est son amie qui lui avait expliqué comment fonctionnait le monde.

Cette histoire était sacrément tordue. Levia commençait vraiment à se demander ce qu'elle fichait là. Elle ne savait rien de Mateus et l'aidait à localiser quelqu'un. Certes, la jeune femme semblait vouloir qu'elle le trouve mais quand même. Ils étaient vraiment bizarres les gens d'ici. Une chose était sûre, la gamine du Wutai détonnait par ici. Très vite, elle sentit les regards la détailler et s'arrêter sur la forme particulière de ses yeux et sa carnation caractéristique. Tous les regards n'étaient pas très amènes et d'autres se faisaient carrément gourmands la mettant mal à l'aise. Un de ces individus au regard lubrique fit un pas dans sa direction avant de stopper net alors que Mat revenait de son observation et se rapprochait d'elle pour que la princesse l'entende malgré la musique. Levia fronça les sourcils. C'était quoi cette histoire encore ? La blonde ? Faire un scandale ? Alors qu'elle avait voulu le faire venir ici ? C'était vraiment incompréhensible. Sa consternation devait sans doute se lire sur son visage et la suite ne fit que lui faire ouvrir de grands yeux effarés. L'attirer aux toilettes ? Et pourquoi faire ? Il comptait la kidnapper ou quoi ? Cette affaire la mettait de plus en plus mal à l'aise. Et puis surtout, comment était elle sensée accomplir ce petit miracle ? Ce n'est pas comme si la blonde qu'il lui désignait ne rayonnait pas comme une reine des abeilles au milieu de sa ruche. Suspicieuse, Levia écouta avec attention les arguments de Mateus. Il avait l'air sincère. Le fixant droit dans les yeux, elle prit sa décision.

« Bon. D'accord. Je vais t'aider. Mais si je me rends compte que t'es un genre de pervers tordu, tu me le paieras. »

Comment faire maintenant... Prise d'une illumination subite, Levia le planta là et s'approcha du bar et fit signe au barman de s'approcher avant de lui murmurer quelque chose à l'oreille. Le sourire de l'employé se fit éblouissant tandis qu'il fit un clin d’œil à la petite blonde avant de s'affairer au comptoir. La demoiselle reparti ensuite se placer à un endroit stratégique moins peuplé mais visible de la fugueuse. Un coin sombre non loin permettrait à Mateus de la réceptionner. En attendant, son nouvel amie avait accompli sa mission. Livrer à Loveless un cocktail très spécial réputé pour être le meilleur au monde et dont la recette était bien gardé. Elle venait de faire la journée de cet homme, c'était certain. En échange, il avait également transmis un message. Il n'y avait plus qu'à espérer que le poisson morde à l'hameçon. En attendant Levia se laissait bercer par le rythme de la musique, ondulant à son rythme. Autant se mettre dans l'ambiance.

« Ouai, ouai, en attendant c’est pas le cas, je t’ai dit la vérité. » Lui rétorqua t’il alors qu’elle semblait hésiter. Bien qu’il fallût reconnaître qu’elle ait toutes les raisons de ne pas vouloir se mêler de cette affaire plus longtemps, Mateus faisait preuve de mauvaise foi. Il ne voyait pas ce qu’il pouvait lui donner de plus et s’impatientait. Pire, le regard inquisiteur de Levia l’agaçait. Il le soutint cependant avant qu’elle ne semble se décider et s’éloigne en direction du bar. De son point d’observation, l’ancien mercenaire scrutait la moindre de ses mouvements. Il regretta de ne pas lui avoir fait répéter le plan, car il ne comprenait pas bien ce qu’elle pouvait manigancer avec ce barman.

Un fragment de seconde, il songea à abandonner son idée à la noix pour fendre la foule, porter Aileen sur son dos, quitte à provoquer un scandale, et casser la gueule à ceux qui lui barreraient la route. Peut-être même que cela le défoulerait, dans le fond. Pourtant il avait opté pour la discrétion, planqué près des waters, attendant qu’on lui livre sa proie. C’était pitoyable. Voilà à quel genre de manigance il était réduit, à vouloir entrer dans le jeu de cette intrigante. Pourvu qu’ils puissent tous passer à quelque chose d’autre rapidement, ensuite. Il n’aurait pas la patiente d’endurer plus ce soir. Et pourtant, il n’arrivait pas à se débarrasser de cette sale sensation qui lui promettait qu’il n’était pas arrivé au bout de ses surprises.

« Qu’est-ce qu’elle… » Levia s’était plantée à une table, gigotait au rythme de la musique et jetait des coups d’œil discret en direction de la starlette, à quelques mètres plus loin. On ne tarda pas à livrer un cocktail à la jolie blonde qui, après lecture du message, glissa quelque chose à l’oreille d’Ariadne. Les deux amies s’éloignèrent, et Aileen se rapprocha enfin de celle qui l’avait aidé à retrouver sa trace. Un pressentiment le poussa à sortir de sa planque, traverser la foule pour les retrouver, il eut juste le temps de voir la fugueuse glisser un mot à Levia avant qu’un danseur ne lui tombe dessus. Mateus le repoussa violemment et le pauvre type atterri au milieu de sa foule d’amis qui protestèrent bruyamment. Pour la discrétion, c’était raté. Lorsqu’il releva la tête vers la table de sa compagne d’infortune… Aileen avait disparu. Mateus jura, pressa le pas avant de se présenter à Levia, furieux et deçu. « Qu’est ce qu’elle t’a dit ?! » Mais il n’avait plus de temps à perdre, bien qu’il ne sût si elle l’avait dupé en révélant à Loveless qu’il était à sa poursuite et qu’il aurait volontier voulu avoir le fin mot de cette histoire, le plus important fut qu’Aileen ne pouvait pas se trouver bien loin. Elle n’avait que quelques secondes d’avance, il fallait qu’il la retrouve. Alors sans plus attendre et après avoir observé partiellement les lieux, il prit la direction qui lui sembla la plus indiquée, celle qu’il espérait qu’elle ait emprunté pour se faire à nouveau la malle. Il abandonnait Levia derrière lui sans plus d’égards, pestant contre sa propre incompétence. N’avait-il pas appris à ne pouvoir compter que sur lui-même ? Comme cette piqûre de rappel lui sembla amer... Encore une fois, il n'avait pas la preuve qu'elle l'ait trahis - pouvait on seulement parler de trahison ? Rien ne l'engagea à l'aider - et ne pouvait la condamner sans savoir ce qu'elle avait fait, ou non. Mais toujours est il qu'il avait vu Aileen, et qu'elle lui avait échappé. Encore une fois. Dorénavant, plus de mascarades dans ce genre, il en faisait le serment.