So, you're the artist ? - Enoch

Il faisait encore jour lorsqu’Ariadne réouvrit les yeux. Le soleil se frayait un chemin à travers les rideaux tiré de ses appartements et traçait des rayons de lumière à travers la pièce. Ses paupières étaient lourdes, mais le sommeil avait été réparateur. Elle s’étira longuement, cherchant à soulager ses muscles endoloris en prenant le temps de se redresser dans la pénombre de sa chambre d’hôtel. Machinalement elle porta sa main à sa joue, vérifiant que le pansement était toujours là. Un coup d’œil au miroir lui permit de vérifier qu’il était propre, ce qui était rassurant.

Les souvenirs de l’après-midi lui revinrent en mémoire, réanimant partiellement le mal de crâne qu’elle avait réussi à chasser en s’abandonnant à une sieste quelques heures plus tôt. Elle déchiqueta avec son ongle l’étui d’un nouveau comprimé effervescent qu’elle plongea dans un verre plein. Silencieuse, elle observa les petites bulles remonter à la surface de l’eau. On entendait plus que leurs clapotis bouillonnant, étrangement reposant. Comment allait Aileen ? Après avoir ingurgité son médicament, elle se leva pour attraper son téléphone et lui envoya un premier message pour prendre de ses nouvelles, un second pour l’inviter à la rejoindre au café de l’hôtel si elle en avait la force. Remettant vaguement de l’ordre dans sa coiffure - ses cheveux étaient encore un peu humide, elle avait pris soin de les laver avant de sombrer dans les bras de Morphée - Ariadne se décida à descendre.

Chacun de ses mouvements était anormalement lent. La connaissant, c’était inhabituelle, elle n’était pas du genre à prendre son temps. Ariadne courrait d’accoutumé par monts et par vaux, parlait fort et faisait du bruit. Elle n’avait rien à voir avec cette espèce de fantôme mutique qui errait dans les couloirs de l’hôtel sans but. Dans l’ascenseur, elle vérifia l’écran de son téléphone à travers son petit sac à main. Pas de nouvelles. Sans doute Aileen dormait elle encore. Elle haussa les épaules, et jeta un coup d’œil à son reflet. Honnêtement moins catastrophique qu’escompter.

Arrivée au rez de chaussée elle se dirigea vers le petit café de l’hôtel, vide. Peut-être les résidents s’étaient ils cloîtré dans leurs chambres, rien d’étonnant après ce qu’ils avaient vécu un peu plus tôt. Cela donnait au lieu des allures de carte postale figé. Une musique d’ambiance s’échappait des hauts parleurs un peu crépitants, lui arrachant une drôle de grimace et lui flanquant la chair de poule. Elle reconnut au milieu des tables désertés la silhouette de l’artiste, l’homme qui avait assisté à sa crise de nerfs un peu plus tôt lorsque Mateus l’avait tout bonnement jeté hors de la chambre d’Aileen. Comme si le destin l'avait placé là pour qu'elle puisse se présenter à lui un peu plus corréctement... Elle fit un détour vers le bar, commanda un coca et, verre en main, s’approcha de l’inconnu. « Hé, désolée pour tout à l’heure. » Commença t’elle en haussant un peu les épaules. « Cet abruti m’a vraiment mise hors de moi, bref… » Son interlocuteur devait avoir à peu près le même âge, avait une jolie tête, pas de signes distinctifs à première vue... Elle aurait très bien pu faire demi-tour ici, lui souhaiter bonne journée et retourner dans sa chambre, mais Ariadne avait envie de parler… « Tu le connais, visiblement ? Mateus ? » Demanda t’elle en posant une main sur la chaise qui faisait face à l’artiste, prête à s’asseoir si on l’invitait.

Ariadne regrettait d’avoir oublié ses lunettes de soleil. À cette heure-ci, le soleil inondait la pièce. Encore étourdie, elle grimaça, porta sa main en visière et se tourna vers le barman qui s’ennuyait fermement derrière son comptoir. « Excusez-moi ? » Lança t’elle à travers la pièce. « Est-ce qu’on ne pourrait pas baisser un peu les stores ? » Elle désigna la baie vitrée avec son pouce. Trop heureux sans doute d’avoir quelque chose à faire, il s’exécuta sur le champ. « Le mal de crâne. » Se justifia t’elle auprès de son interlocuteur qui l’invitait à prendre place en face de lui. Elle tira donc la chaise vers elle et posa en évidence son téléphone sur la table, au cas où Aileen chercherait à la contacter. Le manque de retour la rendait nerveuse, elle s’empara d’une serviette en papier et s’achemina à le déchirer en minuscules morceaux.

Ainsi donc son interlocuteur ne connaissait pas bien Mateus. Elle se demandait bien pourquoi le garde du corps lui avait attribué le surnom d’artiste. Son regard coula vers le livre ouvert qu’il consultait. Un magazine de mode. Peut-être travaillait-il dans le milieu. Elle n’eut pas immédiatement l’occasion de l’interroger à ce propos, son interlocuteur préférant se pencher à nouveau sur leur connaissance en commun, lui apprenant par ailleurs que, lors de leur rencontre, Mateus avait mit un homme à terre. Ariadne eut un rictus amer en secouant la tête. « Je n’avais pas spécialement envie de faire son éloge, mais j’imagine qu’on ne peut pas lui retirer ça, il sait se battre. » Encore fallait-il qu’il se trouve au bon endroit pour le faire… Elle digérait mal son abandon de poste, que faisait il à la plage tout à l’heure ? Il n’avait aucune raison valable d’abandonner Aileen. Elle réduit une lamelle de papier en petite boulette blanche avant de lui donner une pichenette en pensant qu’il s’agissait de la tête de l’ancien soldat. Elle voltigea dans la pièce pour atterrir quelques mètres plus loin, sous une table. La mécanicienne croisa le regard du serveur qui s’empressa de nettoyer des verres qui semblaient pourtant déjà propres. Il les écoutait ? Après tout le pauvre garçon n’avait sans doute rien de mieux à faire, mais elle n’appréciait qu’à moitié ce manque d’intimité. Ariadne secoua la tête et tourna à nouveau son attention vers son interlocuteur. Elle ne lâcherait pas Mateus et ne se priverait pas d’en toucher deux mots à son amie dès que possible. Bien qu’Aileen fût insensible jusqu’alors à ses recommandations, elle espérait la convaincre qu’il n’était pas l’homme de la situation. Si le Don avait décidé qu’elle nécessitait une garde rapprochée, ce n’était pas innocent. Peut-être ne leur avait-il pas tout dit, cette décision ne pouvait sortir de nulle part et depuis un moment maintenant, Ariadne se persuadait que quelque chose allait leur tomber dessus. « Il a mis un homme à terre, pourquoi ? » Continua t’elle en fronçant des sourcils, curieuse d’ajouter à la liste une nouvelle raison de ne pas apprécier ce type et peut être de gagner un argument lors de sa prochaine discussion avec Aileen.

Ariadne voyait bien que son interlocuteur s’amusait silencieusement à la voir tant peiner. Il ne cherchait même pas à dissimuler son sourire et, après tout, sans doute n’avait elle que ce qu’elle méritait. C’est pourquoi elle ne le provoqua pas, comme elle aurait pu en avoir l’habitude. En toute honnêteté, cela lui aurait demandé plus d’énergie qu’elle n’en avait en réserve. Elle se demanda vaguement ce qu’il imaginait mais, quoi que soit le scénario qui lui venait en esprit, il n’était certainement pas loin du compte. Elle appuya sur son front avec l’espoir infime de faire disparaître par magie ses symptômes de veisalgie en observant son verre de coca s’éventer lentement. L’écran de son téléphone restait noir.

Lorsque son interlocuteur suggéra qu’elle n’appréciait visiblement pas leur connaissance en commun, elle sourit vaguement en se redressant sur sa chaise. « Juste. » Répondit-elle en croisant ses bras sur la table. « Je ne le porte pas spécialement dans mon cœur. » Compléta t’elle en regardant l’extérieur. C’était le moins qu’on puisse dire, le courant n’était jamais passé entre eux et les choses n’étaient certainement pas prête de changer puisque ni l’un, ni l’autre, ne voulait fournir le moindre effort pour apaiser les tensions. Le petit épisode de cette après midi n’allait faire qu’envenimer les choses. Ariadne inspira bruyamment et secoua la tête pour se changer les idées, elle agita la paille dans son verre qu’elle n’avait toujours pas touché puis rassembla tous les petits bouts de papiers qu’elle avait finement déchiqueter et éparpillé autour d’elle sur la table dans sa main. L’homme en face d’elle lui donnait un peu plus d’informations sur l’altercation de Mateus, qui, attaqué sur son physique, s’en serait donc prit à un autre client. « Je vois. » Souffla t’elle sans finalement trop quoi savoir faire de cette information. Elle connaissait l’histoire de l’ancien soldat, du moins les grandes lignes. Il avait été blessé lors d’un attentat mené par AVALANCHE, avait renoncé à sa carrière de militaire, et s’était retrouvé dans leurs pattes. Elle s’était demandée parfois si cette attaque avait été menée par sa mère, bien qu’il fût stupide et stérile d'envisager pareil scénario dans la mesure ou elle n’aurait jamais la réponse. Si son interlocuteur ne le connaissait pas plus que ça, sûrement ignorait il tout de cette histoire, et ce n’était certainement pas à elle de la lui livrer.

Ne sachant quoi en faire, elle bascula tous les petits bouts de papiers dans la corbeille à pain, se surpris à vérifier que le barman curieux n’avait pas d’avis sur la question, mais il ne regardait plus dans leur direction. Dehors, tout était immobile. C’était inhabituelle, presque inquiétant. L’homme reprit la parole et la détourna de sa contemplation, s’indignant que Mateus ne lui ait pas parlé de lui et de son dessin. La simple idée que l’ancien soldat puisse lui confier à elle ce genre de détails lui fit hausser un sourcil. N’avait-il pas compris qu’ils ne s’entendaient pas ? Visiblement si, il jouait de toute évidence la comédie, ce qui l’amusa. « L’artiste, c’est vrai. » Se rappela t’elle en le pointant du doigt. « Je ne connais même pas ton prénom au final ? Moi c’est Ariadne. » Alors comme ça, il dessinait ? « Si ça peut te rassurer d’une quelconque manière, ce n’est certainement pas à moi qu’il s’adresserait pour me raconter ce qu’il a vu ou fait pendant son temps libre. L’animosité est réciproque, si tu n’avais pas remarqué. Au risque de me répéter, on n’est pas fait pour s’entendre, lui et moi. » Se sentit elle d’ajouter en faisant une sorte de grimace avant de lui sourire. Elle tapota le coin de la table et recula un peu, vérifia son téléphone et se rappela que là, quelque part dans la ville, se trouvait Mia. Elle espérait qu’elle n’avait pas été blessée et réalisa qu’elle n’avait pas pris le temps d'évaluer à cette coïncidence folle. Tout s’était enchaîné si vite qu’elle en venait presque à douter que cela se soit réellement produit. « C’était quoi ce bordel tout à l’heure… On est d’accord, c’était pas vraiment normal ? » Après tout, il avait combattu, vu les monstres de prêt lui aussi. Avait-il noté quelque chose qui lui aurait échappé ?

Rude… Pas méchant… Ariadne roula des yeux avant de se replier dans le silence. Ils avaient déjà accordé beaucoup trop de temps à Mateus, elle n’avait pas envie de parler plus longtemps de lui, encore moins d’être convaincu qu’il n’était pas un sale type. Bien sur il n’était pas un crétin fini et évidemment, l’ancien soldat avait les capacités de faire du bon boulot. Mais il n’était pas l’homme de la situation, elle en était intimement convaincue. Si elle faisait preuve de mauvaises fois ? Au fond sans doute. Plusieurs raisons la conduisaient à dresser un portrait aussi acide du garde du corps. Elle observait du coin de l’œil les tentatives vénéneuses d’Aileen pour le séduire, ce n’était qu’une question de temps avant qu’il ne lui mange dans la main. Et alors, quoi, ensuite ? Et son écart plus tôt, encore une fois, parlons-en ! Ou plutôt non, n’en parlons plus. Elle avait gaspillé déjà trop d’énergie et elle était dorénavant convaincu que l’artiste ne lui fournirait rien qui puisse l’aider à nourrir sa colère contre leur connaissance en commun.

« Me stresse ? » Répéta-t-elle alors que les petits confettis blancs qu’elle s’était appliqué à réduire en miettes glissaient dans la panière. Ariadne secoua la tête de gauche à droite en pinçant ses lèvres. « Pas plus que d’habitude. » Chercha t’elle à se convaincre. Mais la question d’Enoch eu plus d’effets qu’escompté. Elle réalisa que plusieurs choses l’avaient chagriné dernièrement, plusieurs événements qui, accumulé, faisait qu’elle était constamment en ébullition. Des problèmes qu’elle avait ignoré le temps d’une soirée et soigné à base d’alcool, remède inefficace sur le long terme puisqu’ils revenaient à la charge avec un peu plus de vigueur le lendemain. Du bout du doigts, elle enleva les derniers résidus de papiers qui s’étaient collé sur sa paume. Ariadne était du genre à établir une liste de priorités, système qui avait ses limites lorsqu’elle se laissait submerger. Elle avait maintenant la certitude qu’il fallait qu’elle se reprenne en main en rentrant à Edge. Dire qu’elle avait cru sortir de ce séjour plus relaxé…

Elle pouvait se consoler suite aux confessions de son interlocuteur qui, en plus de lui révéler son nom, l’informa qu’il avait lui aussi – puisqu’ils comparaient leurs cas - de curieuses envies de meurtres. Ariadne haussa les sourcils en osant enfin porter ses lèvres à son verre, manqua de s’étouffer avec la première gorgée mais ne perdit pas l’occasion de rire après avoir toussé dans son coude. « J’ai déjà réfléchi à plusieurs manières de m’en débarrasser, mais rien de confluant pour le moment. Pas un mot, évidemment. » Conclue t’elle en faisant un clin d’œil appuyé à son interlocuteur avant de secouer la tête et de reprendre une gorgée de sa boisson. Elle ne plaisantait qu’à moitié. La garagiste s’était imaginée plusieurs fois tuer le garde du corps. Mais il ne fallait pas qu’il y voit une attaque personnelle, après tout, c’était un exercice auquel elle se prêtait souvent lorsqu’elle était en colère et, dans ses songes, plus d’une personne avait rendu son dernier soupir.  

Elle opina de la tête lorsqu’Enoch évoqua la visite inopportune qu’avait reçu Aileen dans sa chambre. Elle lui avait livré l'information plus tôt lorqu'il s'était enquit de son état, un Condor était passé par la fenêtre. Qu’est-ce que l’office de tourisme de Costa Del Sol allait bien pouvoir écrire sur ses brochures si ce genre d’attaques se reproduisaient ? Si la réflexion l’amusa, quelque chose dans cette affaire l’inquiétait assez pour ne pas la traiter à la légère. « Je n’aurais pas pensé que le premier reflexe d’un artiste soit de foncer dans la bataille, d’ailleurs. » Pensa t’elle à voix haute en sortant de ses réflexions et en confrontant son interlocuteur. A quel genre de type avait-elle réellement à faire ?

« En réalité, je crois qu’il me manque. Il faut croire que les vacances ne me réussissent pas. » Mentit-elle à moitié en fronçant les sourcils et en hochant vaguement la tête. De quel métier parlions-nous seulement ? Elle n’était officiellement qu’une garagiste qui profitait de la tournée de sa meilleure amie pour voyager. Officieusement, c’était on ne peut plus compliqué, évidemment. « Donc… » Répéta t’elle en l’imitant gentiment, sourire en coin. « C’est vrai que tu étais assez catégorique, tout à l’heure. Ça sera irrécupérable ? » Tenta t-elle de se remémorer à voix haute en faisant référence à la phrase qu’il lui avait adressé un peu plus tôt. Peut-être n’avait il pas été aussi vindicatif en fin de compte, mais sur le coup c’est ainsi qu’elle l’avait interprété. « C’est pas trop vilain ? » Demanda t’elle en désignant le pansement sur sa joue, abordant un air comiquement blasé avant de hausser les épaules. Elle avait bien fait de descendre en fin de compte, elle était d’humeur étrangement rigolarde.

« C’est noble. Très noble, j’imagine. » Reconnut-elle en approuvant d’un signe de tête les propos de son interlocuteur, appuyant son idée par un petit mouvement de bouche un tantinet ironique. Complétement inconscient, aussi, mais après tout, cela avait été aussi son premier réflexe. Ariadne connaissait bien les monstres, les taudis grouillaient de sales bestioles, elle avait radicalement grandi au milieu d’eux. Joe lui avait appris à tirer dès son plus jeune âge, elle se débrouillait bien et ne se séparait jamais de son revolver. Elle avait pensé pouvoir être utile sur le moment mais réalisait après coup combien cela avait été idiot de le croire. Elle n’avait pas mesuré l’ampleur du danger et, pour couronner le tout, elle s’était retrouvée prisonnière d’un dédale de parasols et avait manqué de se faire dévorer par un banc de crabes. Sales histoires. « Quand même, ils ne s’approchent pas autant des villes d’habitude. De Costal Del Sol encore moins. » Pense t’elle à voix haute en prenant une gorgée de Coca. « Quelque chose cloche… S’il vous plaît ? » Interpella t’elle le serveur sur un coup de tête au milieu de ses réflexions. « Sérieusement, on peut baisser la musique ? On s’entend plus penser. » Le pauvre garçon hocha frénétiquement de la tête et tenta d’établir un contact visuel avec Enoch avant de se précipiter vers le matériel audio. « Désolé, j’en pouvais plus. » Ses deux mains virent se placer à quelques centimètres de son crâne avant qu’elle ne le laisse retomber sur la table. Le mauvais jazz diffusé dans les hauts parleurs s’affaiblit doucement, leur donnant toujours un peu plus l’impression qu’ils étaient dorénavant seuls au monde dans cet hôtel. Peut-être se faisait elle du mouron pour pas grand-chose, peut être son interlocuteur se moquait bien d’élucider ce mystère. Elle soupira bruyamment en appuyant ses doigts contre son front, coude posé contre la table. « Au fait… Tu fais quoi, comme genre de dessin ? » Lança t’elle comme si elle venait de se souvenir de ce détail et qu’il fut plus convenable de revenir sur ce genre de conversation avec un parfait inconnu…

« J’ai un garage, à Edge. » L’informa t’elle en penchant un peu la tête, songeant à son établissement qui l’attendait et tournait actuellement sans elle sous la supervision de Dennis. Elle n’en était pas rendue au point d’avoir le mal du pays, jusqu’à aujourd’hui son séjour à Costa Del Sol s’était passé sans encombre, mais elle ressentit tout de même le besoin d’être sur place rapidement.

« Sexy. » Répéta t’elle en faisant claquer le mot, prenant une pause aguicheuse volontairement ridicule avant de lui offrir son sourire le plus éclatant. Il était drôle, ce type. Cela lui faisait du bien de rire, de donner sa chance à un inconnu et d’avoir une conversation délicieusement ordinaire. Elle s’étonnait à apprécier les petits charmes de cette rencontre fortuite, dans cet hôtel vide au milieu de cette après midi épouvantable. Ce n’était pourtant pas son genre, elle qui ne tenait pas en place et qui réclamait toujours plus d’action et d’attention. A croire que la gueule de bois qui la clouait à sa chaise avait du bon.

Enoch partageait en tout cas son opinion sur ce qu’ils avaient vécu un peu plus tôt. Rien de tout cela ne semblait normal, mais ni l’un ni l’autre ne pouvait prétendre s’y connaitre. Ariadne hocha vaguement la tête, espérant pouvoir élucider le mystère rapidement par un biais ou un autre. Peut-être pourrait-elle elle-même mener l’enquête un peu plus tard ? Son interlocuteur pourrait peut-être l’accompagner dans ses recherches ? Interlocuteur qui la corrigea sur sa profession, il était peintre, et non pas un vulgaire dessinateur de rue. Elle esquissa une petite expression faussement désolée avant que le PHS de l’artiste ne se manifeste. Cela semblait sonner le glas de leur conversation. Dommage. Enoch venait de se lever et l’informa qu’il devait partir. « Peut-être. » Répéta t’elle en esquissant un sourire, ne cherchant pas à le retenir bien que la perspective d’être seule dans ce bar glaçant ne l’enchante guère. Elle n’y resta pas plus qu’une minute une fois son interlocuteur parti, rangea son PHS dans son sac à main et quitta la table en laissant quelques gils près de son verre à moitié plein avant de rejoindre sa chambre.