[Terminé]Tout est dans l'amabilité...ou pas (Keelyn Blackthorn)

Ma requête pouvait paraître incongrue voir culoté, mais ce n’était pas le cas à mes yeux. Ce n’était pas tous les jours que je venais aider quelqu’un à botter les fesses d’un monstre, il fallait bien un minimum de reconnaissance. Bien que j’aie un doute que ce mot fasse partie de leur dictionnaire vu la tête que chacune des deux femmes avaient faite. Différentes certes. La plus vieille avait affiché une tête outrée – comme si je l’avais insulté, et l’autre n’était pas bien loin. C’était presque comique à vrai dire comme tableau, et je notais cette esquisse dans un coin de mon esprit pour plus tard. Aussi étonnant que cela puisse paraître, elles m’avaient presque inspiré. Ce n’était pas une peinture qui allait valoir beaucoup mais, un jour, si je les croisais à nouveau, je pourrais leur donner en souvenir.
Bien que je ne voyais pas en quelle circonstance cette nouvelle rencontre se ferait. L’une devait surement aller au gala et l’autre, toujours sur la route au vue de l’usure de sa moto. C’était un mal pour un bien après tout. Ce n’était pas comme si je mourrais d’envie de voir leur tête encore une fois. C’était peut être même la dernière, car je sentais bien que la demoiselle au fusil se retenait de me tirer dessus avec. Seulement, j’étais un civil et c’était dur et sale de se débarrasser d’un corps. A la place elle avait ouvert son sale bec, pour m’envoyer des mots. Surement avait elle pensé que sortir de telles choses allaient me faire me sentir mal. Ou désolé. Mais ces reproches avaient glissé sur ma peau comme si ne rien n’était. Elle pouvait penser ce qu’elle voulait, je n’étais pas en tort à cent pourcent des bruitages émis sur le territoire du monstre glace. Au final en plus, c’était moi qui avais reçu le sort et non elle. Alors de quoi se plaignait-elle ? C’était bien une fille, à toujours se plaindre et se croire supérieure aux autres. A mon avis ça ne devait pas être évident de travailler avec elle. Je préférais encore boire tout seul mon chocolat chaud que de me la coltiner. Heureusement, elle avait décidé de m’ignorer, d’être plus « gentille » avec la plus jeune. J’avais roulé des yeux face à cette situation grotesque.
Est-ce que la blondinette allait m’offrir mon chocolat ou pas ? Une fois que la vielle mégère serait partie. C’était effectivement le cas, bien qu’elle n’ait pas attendu que je sois sur ma moto pour partir en trombe. Je soupirai, et allai rejoindre mon véhicule, enfilant mon casque pour ensuite la suivre sur la route. Elle roulait très vite, et j’adorais ça. La rattraper en deux kilomètres n’aurait pas été très drôle. Elle pensait surement me semer de cette manière mais j’étais très loin de respecter les codes. En y songeant, je ne connaissais même pas son nom, mais difficile de faire des présentations durant une bataille. C’était donc la blondinette et la vieille pour le moment. Plus tard, j’apprendrais surement qui était celle-ci, bien qu’au fond je m’en fichais complètement. Elle n’avait pas été très polie avec moi alors pourquoi je m’intéresserais sur son sujet ?

Edge faisait rapidement son apparition, ville des survivants comme je la nommais intérieurement. Après tout elle avait été bâtie suite à un cataclysme. Un évènement qui était resté dans la mémoire de tout le monde, même la mienne. Je n’allai pas tarder à savoir si la blondinette comptait réellement m’offrir un chocolat chaud ou profiter des rues de la ville pour me semer. En tout les cas, je me retrouvais bloquer à un moment entre deux voitures et pestait intérieurement contre ces crétins. Il y avait un café pas loin, alors au pire, je boirais seul ma boisson. Ce n’était pas comme si c’était la première fois.

Je garais ma moto et ébouriffait mes cheveux aplatit par le casque avant de voir à nouveau la blondinette sortir d’une ruelle. J’inclinais légèrement la tête sur le côté, sentant qu’il y avait quelque chose de différent par rapport à tout à l’heure. C’était peut être juste par rapport au cadre qui avait changé.

- Je vois qu’on tient ses promesses

Déclarais- je en m’avançant vers elle. On avait connu mieux pour aborder quelqu’un, mais comme je l’avais dit, je ne suivais pas les codes. Et encore moins les codes sociaux. Ou plutôt, c’étaient eux qui ne me suivaient pas.

La sensation du vent déferlant sur ses flans tandis qu'elle conduisait son engin bien au delà des limites normalement autorisées enthousiasmait Keelyn au plus au point. L'adrénaline de la bataille courrait encore dans ses veines. L'énergie était bien présente et elle espérait que cette course folle la fasse redescendre un peu. Au fond, la jeune TURK se fichait bien de savoir si le petit peintre la suivait ou non. S'il y parvenait, tant mieux pour lui, il gagnerait son chocolat chaud. Sinon, elle se contenterait d'une petite virée dans les rues d'Edge avant de retourner au quartier général pour qu'on la débriefe sur le prochain rôle qu'elle aurait à endosser. En espérant que ce nouveau job soit un peu plus palpitant que le précédent.

Très vite, la façade de la ville se présenta sous ses yeux et un sourire éclaira le visage de la jeune femme sous son masque. Cette ville était devenue sa maison bien qu'elle soit plus souvent en déplacement. Elle n'avait pas de maison à proprement parler mais une chambre à l'un des étages supérieurs du quartier général de la SHINRA. Pas vraiment différente de celle qu'elle occupait à Healin Lodge lorsqu'elle n'était qu'une apprentie et que la SHINRA était au plus mal. La petite blonde avait tant travaillé pour occuper la place qui était la sienne aujourd'hui. Pourtant, rien n'était véritablement parfait. Ses collègues ne semblaient pas la respecter enfin, certains d'entre eux. Elle ne regrettait pourtant rien et leur jetait son mépris au visage.

Fusant dans les rues en diminuant à peine msa vitesse, Keelyn savait exactement où elle allaist Ces rues avaient longtemps été son territoire. Plaçant sa moto dans une ruelle parfaitement choisie, elle se débarrassa de son casque avant de fouiller dans la cache situer sous le siège. Elle se changea rapidement et se maquilla en quelques secondes. La Turk n'avait plus vraiment l'air d'une motarde mais d'une jeune fille de la ville tout ce qu'il y a de plus normale. C'est ainsi qu'on la connaissait ici. Le changement serait sans doute perçu par le petit Monsieur qui était supposé la suivre – si tant est qu'il y soit parvenu – mais pas suffisant pour alimenter la suspicion. Elle avait fini par faire de ces changements un art.

D'un pas sûr, elle quitta sa ruelle, regardant à droite et à gauche à la recherche de mon invité. Une fois sa cible repérée,  Kee lui adressa un petit signe de la main. Il ne fit aucune remarque sur son changement de vêtement. Après tout, c'était un homme et ils n'étaient pas vraiment portés sur ce genre de choses.

« Toujours. Je ne fais jamais de promesses à la légère. »

Et c'était vrai. La jeune fille savait habilement détourner les conversations pour ne rien avoir à promettre. Pour n'en dire que le strict minimum et obtenir les informations qu'elle souhaitait.

Indiquant le salon de thé de la main, elle s'adressa ensuite au jeune homme.

« On y va ? Moi c'est Keelyn au fait. »

Un prénom qui était plutôt un nom de code. Une identité qui n'était pas la sienne mais qui la définissait peut être mieux que celle avec laquelle elle était née. Mais ces réflexions étaient bien trop philosophique pour une simple virée chocolat chaud en plein mois de juillet.

« Ca te réchauffera. »

Et c'est ainsi qu'ils passèrent la porte du salon.

C’était très rare de me voir consommer quelque chose en tête à tête avec quelqu’un. Il m’arrivait de sortir de ma tanière pour profiter des mets que proposaient un restaurant ou tout simplement boire un bon petit chocolat chaud dans un café. Peu importe la saison d’ailleurs, il n’y  avait pas de raisons de passer à côté soit disant parce qu’on se trouvait en pleine Eté. Je me moquais bien de toute façon du regard des autres qui sirotaient leur thé glacé pendant que moi j’appréciais ma boisson chaude. A croire que ça les tuaient de voir quelqu’un faire ce genre de choses. La demoiselle n’avait pas eu de chance de tomber sur un énergumène tel que moi. Ceci dit, elle n’avait qu’à pas accepter de me payer quelque chose. Pouvait-on lui en vouloir ? Elle ne me connaissait pas. En cinq minutes c’était compliqué, surtout durant un combat. Il n’y avait que durant les speed dating que ce temps était suffisamment affreux pour connaître de façon large une personne. On pouvait dire merci à mon paternel de m’offrir en quelque sorte ce cadeau en invitant des filles quand je venais manger avec lui au village. Je ne savais pas pourquoi il s’évertuait à vouloir me trouver une compagne alors que j’étais très bien tout seul avec ma peinture et mes tableaux. Devoir m’occuper de quelqu’un en plus, c’était carrément l’envoyer dans un cachot vu ma capacité à parfois ne même pas m’occuper de moi-même. Mon hygiène de vie était assez chaotiques, je sautais parfois des repas et faisait des nuits blanches. Je me lavais tout de même tous les jours car j’avais horreur de me sentir sale mais niveau repos et énergie c’était inquiétant. Ca pourrait être pire ceci dit si Otto ne venait pas parfois faire des visites surprises et me botter les fesses pour que je mange.

Enfin bref, vivre seul à Edge était une bonne chose pour échapper à la lubie de mon père et ça me permettait de faire des efforts de socialisation. J’allai tout de même boire un café avec une fille. Pas trop moche en plus et qui savait se défendre. Elle était un peu étrange – pour une raison que j’ignorais – mais c’était aussi ainsi qu’on me qualifiait alors que je ne faisais rien de mal.

- Heureux de l’apprendre, je craignais que tu ne te sois envolé

Je m’en serai rapidement remis si elle m’avait posé un lapin. Il en fallait beaucoup plus pour me blesser. Je me mettais aussi rarement en colère, car c’était une émotion inutile. La colère faisait faire des choses qu’on regrettait ensuite. Ca mettait déjà arriver une fois de balancer une toile par la fenêtre ouverte de mon appartement. Malheureusement un passant l’avait reçu sur la tête et j’avais dû payer les soins médicaux. Quelle idée aussi de se mettre en dessous.

- Enoch

Je me présentais à mon tour de manière simple et concise. On n’était pas à un rencard, pas besoin de savoir l’âge, le métier et le nom de famille. Elle n’en avait surement rien à faire. Je suivais donc Keelyn à l’intérieur du café, m’installant à une petite table dans un coin. J’aimais bien ces endroits éloignés, qui permettait d’observer un lieu dans un ensemble et puis on n’avait pas les bruits agaçants des autres clients qui nous parvenaient de tous les côtés.

Je commandais donc mon chocolat chaud lorsque la serveuse venait vers nous, laissant Keelynn le soin de faire de même si elle désirait quelque chose. Ce n’était pas moi qui payais la note de toute manière. La seule chose que j’avais c’était le froid du sort de glace, comme si j’étais resté dix minutes dehors en pleine hiver.  Ce qui était assez comique vu que j’avais une matéria de glace sous ma botte. J’aimais bien la neige et la glace, mais pas quand ça me glaçait le sang.

- Et donc, Keelynn, où as-tu appris à te battre ainsi ?

Demandais-je en faisant référence à la bataille de tout à l’heure. Je l’avais vu affronter le monstre sans sourciller et son coup de lame était très précis. Pas la simple femme qui se balade avec un couteau au cas où. Pour l’autre femme, vu qu’elle venait du grand monde, j’avais supposé qu’on lui avait appris à tirer.

Il était difficile pour Keelyn de cerner Enoch. Elle était pourtant maîtresse en la matière. Décrypter rapidement à qui elle avait affaire était indispensable pour la réussite de ses missions. Pour le moment, elle était arrivée à la conclusion qu'il vivait au dessus de ce qu'il aurait du avoir comme moyen. Il était plutôt mignon dans le style androgyne imberbe. Pas le style de Keelyn mais elle connaissait quelques hommes d'affaires qui le croqueraient tout cru. Peut être était-il un genre de gigolo ? Je n'en avais pas assez côtoyé pour me prononcer sur la personnalité standard de ce genre d'individus. Peut être en discutant avec elle parviendrait-elle à glaner quelques informations à son sujet sans pour autant en dire trop sur elle. Ce serait peut être même amusant.

Les personnes manifestant aussi peu d'émotions que lui étaient rares. Keelyn était de ce genre là dans son enfance. Elle avait néanmoins appris à feindre pour duper son monde et encore plus lors de son entrainement pour la SHINRA. Aussi lui offrit-elle son plus grand sourire avant de se présenter. Il n'était pas du genre à s'étendre aussi se contenta-t-il de donner son prénom à la demoiselle. Enoch donc. La Turk s'était attendu à un prénom plus exotique. Quelque chose qui crierait Wutai. Un enfant adopté peut être ? Il paraissait pourtant trop vieux pour être un orphelin de guerre. Le mystère s'épaississait. Le jeune homme ne se fit pas presser pour entrer dans le café. Keelyn ne manquait pas de remarquer qu'il avait choisi la table la plus éloignée. Cela collait bien avec le reste de son comportement. Monsieur n'aimait pas trop les gens.

Je le laissais commander avant de me tourner à mon tour vers la serveuse.

« Un Chai Tea Latte s'il vous plait. Avec un supplément chantilly. »

A la fois épicée et sucrée, cette boisson correspondait bien à la jeune femme. Les deux faces d'une même pièce. Et qu'importe si le petit bonhomme la prenait pour une midinette. Kee détestait le goût du café et les chocolats chauds ne l'avaient jamais attiré. Somme toute, elle préférait les boissons plus fortes. Elle n'avait pas oublié les nuits passées dehors dans les ruines de Midgard où seule la brûlure de l'alcool le long de sa gorge parvenait à la réchauffer.

La question qui brisa le silence pesant qui s'était peu à peu installé ne lui apparu pas comme une surprise. Elle s'y était attendue. C'était toujours le soucis lorsque des civils la voyaient se battre. Aussi se contenta-t-elle d'une semi-vérité. La petite blonde haussa vaguement les épaules avant de répondre modestement.

« J'ai appris par nécessité. Je suis née dans les taudis de Midgar alors croiser des monstres, c'était le quotidien. Un ancien militaire m'a recueilli et m'a tout appris. »

C'était la vérité... en partie. Pas un mensonge en tout cas. C'était une organisation avec un penchant militaire qui l'avait recueillie et formée. Mais ce n'était pas comme si la jeune TURK pouvait en parler à cet inconnu n'est-ce pas ?

Penchant la tête sur le côté, Keelyn décida de l'interroger à son tour tandis que la serveuse revenait avec leurs boissons.

« Et toi alors, tu dessines souvent en pleine nature comme ça ? »

C'était tout de même surprenant ce genre de pratique.

Il était facile de deviner que je n'étais pas friand de la proximité humaine. Plus j'étais éloigné des autres, mieux je m'en portais. On mettait ça sur le fait que j'étais un "artiste", pensant que dans ce domaine il n'y avait que des personnes bizarres. A vrai dire j'en savais rien, je ne connaissais aucun autre peintre et pas vraiment envie de faire des rencontres artistiques. Parler peinture ne m'intéressait pas le moins du monde à vrai dire. C'était à peine si j'expliquai un tableau à Otto. Je lui demandais simplement si il comptait le prendre ou pas. Point barre, fin de la discussion. La personne avec qui j'avais parlé le plus dans ma vie était sans doute mon père adoptif. Ce qui n'était plus vraiment au goût du jour depuis que j'avais emménagé à Edge. Je passais le voir de temps en temps, quand je n'avais pas la flemme de parcourir des kilomètres de verdures. Ce n'était pas comme si on était voisin.

Keelyn avait donc de la chance que je ne sois pas dans mon jour de "muet". Il m'arrivait de ne pas avoir envie de parler toute une journée. Ni même de sortir de chez moi d'ailleurs. J'avais des phases comme ça, résultat d'une enfance à l'école peu joyeuse. Je ne me souvenais pas combien de fois j'avais supplié mon père de ne pas m'emmener à l'école. C'était un terrain de jeu pour les autres envers ma pomme. A croire que qu'ils étaient trop bêtes pour intégrer une gueule d'étranger dans leur groupe. J'étais pas sur le bon continent, j'étais au courant. Mais je n'avais aucune information sur qui était mes parents, simplement que mon père m'avait trouvé derrière sa boutique dans les bras de ma mère blessée. Pourquoi m'avait elle amené ici ? De mémoire, il me semblait que Wutai avait subit une guerre juste après ma naissance. Ma vie avait donc démarré loin de la violence mais sans l'amour dont j'avais besoin. Ca n'expliquait pas tout, mais mon père adoptif était un homme célibataire qui avait passé plus de temps à la boutique que de s'occuper de moi. A chaque fois c'était son ami qui venait me chercher à l'école quand j'avais des problèmes. Je n'avais le droit venant de sa part, que de la déception.

Enfin bref, j'avais commandé mon chocolat chaud et allai enfin pouvoir me réchauffer. Keelynn avait demandé de son côté une boisson plus épicé. Je ne la voyais pas de toute façon consommer du café. Un thé spécial, lui allait bien je devais l'avouer.

- Je vois, il t'a préparé à la vie.

Elle était loin d'être simple cette vie. Comprendre les autres, se restreindre pour ne pas passer pour un fou. On m'avait dit de m'adapter mais c'était quelque chose que je n'avais jamais réussi à faire. L'ancien militaire avait en tout cas réussi son travail. Keelyn savait parfaitement se défendre toute seule. Je n'étais pas un homme de violence, et avait uniquement appris à me servir de mes poings pour ne pas finir encore avec des bleus si jamais on venait me chercher des ennuis. J'essayais d'éviter au maximum ces derniers en ne m'approchant de personne par exemple.

- Hum...quand l'inspiration ne vient pas, je vais parfois la chercher moi-même en pleine nature. Ce paysage loin du béton me détend. Alors oui, ça m'arrive souvent de m'arrêter sur la route pour dessiner des fleurs ou lorsque le vent balaye les feuilles en Automne pour les faire tourbillonner dans le ciel.

Racontais je avant de m'arrêter, songeant un instant qu'elle ne comprenait surement pas ce que j'étais en train de dire. Posant mes mains autour du gobelet pour les réchauffer, je fixai Keelyn du regard avant de rajouter.

- Désolé, je t'ai surement perdu en chemin.

Je n'étais pas vraiment navré, c'était juste une formule de politesse. Je n'allai pas m'excuser d'être intelligent non plus.

Etait-on jamais réellement préparé à affronter la vie ? Les attentes, les déceptions, la souffrance, la mort. Elle ne pensait pas vraiment l'être Keelyn. Elle avait d'abord appris à duper son monde, à survivre. Ensuite, on lui avait apprit à se battre. Affronter la vie ? Pas vraiment. Elle avait plutôt tendance à flotter sur la vie dans ses beaux jours, à la subir dans ses mauvais. Kee était totalement dévouée à Rufus dans un premier temps, à la SHINRA dans un second. Cela ne l'empêchait pas, parfois, lorsque le soleil se couchait et qu'elle se retrouvait seule dans son miroir face à son propre reflet, de s'interroger sur ses méthodes, sur ses mensonges. Ce n'était pas facile de toujours jouer un rôle. D'être plusieurs et pourtant une seule. Jamais vraiment sincère, jamais vraiment menteuse, toujours entre deux.

« A survivre oui, vivre c'est encore autre chose. »

La conversation prenait un tour pas vraiment engageant pour le moral des troupes. Il était temps de se diriger vers des chemins moins sombres. Les talents artistiques supposés du jeune homme semblaient un bon point de départ. Faire parler les autres plutôt que d'en dire trop sur soit était, de toute façon toujours préférable.

Sa vision du monde, très artistique, était intéressante. Keelyn n'était pas une artiste dans l'âme, elle n'avait jamais eu le temps de s'y intéresser et restait le plus souvent de marbre face à une toile. On n'apprenait pas aux enfants des taudis à savourer ce genre de choses. Elle était bien plus sensible à l'art de rue qui décorait jadis les murs de la Plaque bouchant la vue des habitants des secteurs inférieurs. Au contraire d'Enoch, le béton la rassurait et les grandes plaines lui donnaient parfois le vertige. Elle avait cependant appris à s'y faire avec les années.

La demoiselle avait entre temps réceptionné son thé, qu'elle faisait négligemment tourner dans sa main. Elle regrettait un peu de ne pas avoir de passion quand elle voyait le timide jeune homme se dévoiler en parlant de son art.

« Pas du tout. Je suis juste un peu surprise. Je n'ai jamais vraiment pris le temps de me poser pour observer ce genre de choses. »

Penchant légèrement la tête sur le côté, la petite TURK poursuivi la conversation.

« Tu as toujours aimé peindre ? Ou c'est venu d'un coup ? Comment on en arrive à se passionner pour quelque chose ? »

La question était sans doute un peu trop personnelle mais, qui sait, peut être Enoch parviendrait-il à résoudre l'une des grandes interrogations de la jeune fille.

Vivre ou survivre, c'était un peu près la même chose pour moi. Je ne pensais pas avoir réellement basculé dans la 1ère étape pour déclarer haut et fort que je "vivais". Qu'est ce que c'était "vivre" de toute façon ? Si c'était simplement le fait de respirer je rentrais dans cette case mais si c'était l'expression " profiter de la vie", je n'étais pas dans ce délire là. Déjà, je n'aimais pas les fêtes, préférant nettement la solitude de mon appartement. La proximité des autres me rendaient chèvres - surtout les bêtises qui pouvaient sortir de leur bouches. En bref, j'étais loin d'être dans la vie. J'étais plus un survivant, si vraiment il fallait une différence. Et survivre dans ce monde rempli d'idiots n'étaient pas une mince affaire. Heureusement je faisais un métier qui ne nécessitait pas d'avoir des clients en face à face. Otto faisait très bien l'intermédiaire.
La demoiselle en face de moi ne semblait pas plus heureuse que moi d'être né. En même temps, je pouvais comprendre. On était tous les deux des orphelins si j'avais bien compris son histoire. De quoi bien débuter son cycle. Si, elle, elle avait été recueillie par une personne qui lui avait appris à se battre, moi c'était plutôt un commerçant. Pas vraiment porté sur la violence mais il n'avait pas eu d'autres choix que de demander à son ami d'apprendre à me défende à force de rentrer à la maison cabossé. Ca ne me plaisait pas non plus d'abattre mon poing sur quelqu'un, c'était vraiment en dernier recours.

Enfin bref, on en était venu à parler de la raison qui m'avait amené à dessiner en plein milieu de la nature. C'était difficile à comprendre pour quelqu'un qui n'était pas du métier ou qui n'avait pas une âme d'artiste. Je m'étais un peu perdu dans mes explications avant de m'arrêter. Je parlais et les gens fuyaient en général. Ou finissait par m'insulter selon les propos. Je craignais d'avoir fait peur à Keelynn mais apparemment ce n'était pas le cas.

- Tu devrais. Tu n'aimes pas regarder les étoiles par exemple ?

Demandais je, en proposant la chose la plus simple que les humains admiraient. Un ciel étoilé était toujours beau de toute façon.

- Comme tous les enfants. Une feuille et des crayons.

Même si on prenait une boisson ensemble, on ne se connaissait pas assez pour que je réponde honnêtement à cette question. Dire que c'était parce que je n'arrivais pas à m'exprimer risquerait de ne me faire paraître encore plus étrange aux yeux de la jeune femme. Je n'avais pas oublier cette phrase que mon pére adoptif m'avait toujours répété quand j'étais enfant : "fond toi dans la masse". C'était ce que je faisais, en répondant par une évidence. Quel enfant n'avait jamais dessiné dans sa vie ?

- Hormis tuer des monstres, tu n'as pas d'autres loisirs dans la vie ?

Pas que ça m'intéressait réellement mais elle semblait curieuse sur le sujet. Puis bon si ça pouvait m'aider à ne pas passer pour un connard en lui tendant la main, autant le faire. En attendant, je dégustait tranquillement mon chocolat chaud, ce qui faisait drôlement du bien.

Discuter avec Enoch était divertissant. A vrai dire, Keelyn aimait échanger avec des gens d'horizons différents. Non seulement c'était enrichissant pour elle mais surtout, cela l'aidait à mieux comprendre la condition humaine. Ses discussions, qu'elles soient liées ou non à son travail d'espionnage nourrissait son art. Pour prétendre, il faut connaître et, si Keelyn avait très jeune arrêté l'école, la SHINRA avait pourvu à son éducation lorsqu'elle avait rejoint ses rangs. Une espionne inculte ne pouvait servir l'entreprise. Néanmoins, ses connaissances en art restaient sommaires aussi ne pouvait-elle que croire Enoch sur parole. Lui et sa façon étrange d'aborder la vie.

« Si, comme tout le monde je suppose. Mais en même temps ça m'effraie. Cette immensité, ça donne l'impression d'être insignifiant. »

Et c'était là quelque chose que Kee craignait par dessus tout. Beaucoup de ses anciens amis de l'orphelinat étaient dans le même cas. Ils cherchaient tous, d'une manière ou d'une autre à être reconnu, à exister. En particulier ceux d'entre eux qui avaient été abandonnés. Être vus et trouver un sens à leur existence devenait alors une priorité et la peur de l'oubli leur plus grande faiblesse. Alors se dire qu'ils n'étaient rien qu'un petit grain de sable dans une immensité infinie avait de quoi faire douter. Ce n'était pas un sentiment que la jeune Turk appréciait.

Si elle était tout à fait capable de mettre de côté ses émotions et afficher une bonne humeur de façade, elle n'en avait pas envie aujourd'hui. Enoch ne faisait pas partie de sa mission aussi, elle n'avait pas à faire en sorte qu'il l'apprécie. Il pouvait donc la trouver étrange que cela ne lui faisait ni chaud ni froid. Ce n'était pas comme si elle comptait le revoir après ce petit interlude. A vrai dire, elle se sentait simplement un peu coupable de ne pas avoir utiliser sa matéria pour abréger le combat avant qu'il ne se fasse geler. C'était tout.

Comme tous les enfants. Pas vraiment non. Keelyn ne se rappelait pas vraiment avoir jamais eu de quoi dessiner à l'orphelinat. Non pas qu'elle y soit restée bien longtemps. L'endroit était plutôt pauvre donc chacun devait mettre la main à la pâte. Puis vint la chute de la plaque et la découverte de la rue. Elle se contenta donc de hocher la tête, masquant ainsi son léger malaise. Prétendre. Encore et toujours. Heureusement, le jeune homme décida rapidement de recentrer la conversation sur mes propres hobbies. Cela ne durerait pas très longtemps.

« Je voyage beaucoup. Mais c'est plus un mode de vie qu'un véritable loisir. Je n'aime pas tellement rester longtemps au même endroit. »

Pas totalement vrai et pas totalement faux encore une fois. S'il était véridique que Keelyn appréciait ce mode de vie nomade, il lui était surtout imposé par ses missions et elle ne décidait que dans une certaine mesure des lieux où elle se rendait et de ce qu'elle y faisait.

« Pas vraiment habituel, je sais. »

La jeune Turk se contenta de hausser les épaules avec nonchalance, pas vraiment plus gênée que ça de son choix de vie. Dire qu'on était itinérante était toujours mieux que d'avouer être une espionne formée à l'assassinat non ?

C'était vrai qu'en contemplant la nuit étoilé, on se demandait jusqu'où ça allait. Beaucoup on tenté de toucher les étoiles sans jamais y parvenir. Ces petits points brillants paraissaient si proches de nous mais en vérité ils étaient loin, à des années lumières de Gaïa. C'était comme les arc en ciel. Je me souvenais quand j'étais petit vouloir en attraper un mais je n'avais jamais réussi à le faire. Nous étions petits par rapport au monde qui nous entouraient, à cet univers inconnu qui nous observait.

- Je comprend, c'est vrai que ça donne ce sentiment là mais en même temps, peut être que c'est ce que nous sommes : des êtres insignifiants

Après tout on naissait puis on mourrait. Un cycle à lequel on ne pouvait pas échapper. La vieillesse était impossible à éviter. Juste que le cycle était parfois cassé trop tôt à cause de la maladie ou de criminels. La vie n'était pas toute rose. Un jour j'allai moi aussi mourir, et bien que cet optique ne m'effrayait pas je pensais tout de même que j'étais encore jeune pour rejoindre les étoiles. Enfin, ce n'était pas une conversation très joyeuse et je posais donc des questions à Keelynn, histoire d'en savoir un peu plus sur elle. Tuer des monstres était une passion comme une autre mais au bout d'un moment, ça devait être lassant ou épuisant.

- Si ça te va comme mode de vie, ça doit quand même être formidable de découvrir de nouveaux endroits tous les jours non ? Je n'ai personnellement jamais mit les pieds en dehors de ce continent bien que je sache qu'il en existe d'autres.

Un jour peut être que je pourrais visiter l'île enneigé ou bien aller voir de mes yeux Wutai. Cette ville dont j'étais peut être originaire. Pour l'instant je ne désirai pas vraiment savoir mes origines, qui étaient mes parents. Je pensais que c'était pareil pour Keelynn, qui était aussi orpheline que moi. Bien sur quand j'étais enfant, j'avais imaginé qui ils étaient. Le roi et la reine d'un magnifique royaume, des éleveurs de chocobos même. J'adorais ces créatures depuis petit et un j'avais toujours l'espoir un jour de pouvoir en avoir un. A vrai dire, c'était un peu mes seuls amis, et j'allai souvent discuter avec ces oiseaux à l'écurie de Edge. Les hommes qui travaillaient là bas avaient l'habitude de m'y voir et je leur filais un coup de main si besoin.

Enoch n'avait pas tort bien sûr. Keelyn le savait. En vérité c'était exactement le problème. Elle ne voulait pas être insignifiante. C'était sa plus grande faiblesse, sa profonde terreur. Elle voulait qu'on se rappelle d'elle. Insignifiante, elle l'avait été toute sa vie. Enfant abandonné sans un regard en arrière dans un orphelinat des taudis, elle n'avait pas d'histoire. Pas de grande lignée familiale à laquelle se raccrocher. Pas de modèle à qui ressembler, pas d'héritage. Longtemps elle avait cru ne pas avoir d'avenir non plus. Simple prénom noyé au milieu d'autres tout aussi inventés dans des dortoirs insalubres.

Quand Midgar avait été détruite elle était devenue une réfugiée, sans domicile et livrée à elle même sans parents pour la soutenir. Elle n'avait qu'elle même et des amis de passages en qui sa confiance était toute limitée. Puis il y avait eu la SHINRA. Rufus et l'impression d'avoir enfin un but.

« Ca m'effraie. D'être oubliée. »

C'était d'autant plus paradoxal que Keelyn jouait un rôle en permanence. Rares étaient ceux qui la connaissaient vraiment et qui se rappelleraient d'elle pour qui elle était. Elle n'était pas à une contradiction près. L'espionne en mal de reconnaissance. La dormante qui revêt d'être au cœur de l'action. Et elle l'était en quelque sorte. Mais jamais on ne retiendrait son nom. Les espions étaient fait pour être oublier sinon, c'est qu'ils avaient failli.

Sa vie consistait à récolter des informations de ci de là, garder un œil sur d'éventuels actions contre la SHINRA. Etendre ses oreilles un peu partout. Entretenir un réseau d'informations. Savoir. Car le savoir était le pouvoir. Voler parfois lorsque les informations étaient accessibles. Manipuler et tromper. C'était les moments ou Keelyn combattait les monstres sur les routes qu'elle se sentait le plus vivante. Elle avait alors l'impression d'exister car on ne trichait pas lorsqu'on se battait. On ne jouait pas un rôle. Elle ne pouvait apporter une réponse honnête à Enoch. Mais, elle en avait l'habitude et la machine était bien huilée. Il suffisait de dire la vérité tout en cachant une partie de la vérité. Elle était maîtresse en la matière et s'en servait à merveille dans son travail.

« Oui. Je suis libre. Pas de patron à qui rendre des comptes – ou jamais très longtemps – juste la route et des choses à découvrir. Tu devrais essayer. De voyager. Il y a dans d'endroits à visiter sur Gaïa. »

C'était un des avantages du métier, Keelyn était allée au moins une fois sur chaque continent même si Wutaï et le Continent Nord lui restait encore en grande partie étrangers. Ce n'était pas comme s'il y avait grand chose à y voir de toute façon. Tout un tas de montagne dans un cas, de la neige et toujours plus de montagnes dans l'autre. Non vraiment, rien d'exceptionnel.

Il était tout à fait normal de ne pas vouloir être oublié. Tout le monde désirait rester dans la mémoire de quelqu'un même si on disait à voix haute le contraire. Je ne pensais pas personnellement que je manquerai à quelqu'un en disparaissant hormis à mon père adoptif. Je n'étais pas cruel au point de croire qu'il ne me portait pas dans son cœur. Sinon pourquoi m'aurait il gardé alors qu'il y avait un orphelinat pas loin de son village ou tout simplement un couple qui n'avait pas encore de gosse. Bien sur je lui étais reconnaissant de m'avoir élevé, fait de son mieux pour m'éduquer et supporter ma différence. Ce n'était pas évident de prendre soin d'un enfant qui ne se mêlait pas à ses camarades et qui n'avait pas beaucoup de tact en prime. J'étais un adopté et je n'avais aucune honte là dessus. Je savais que des enfants n'avaient pas cette chance, d'avoir un foyer. Certains restaient orphelins à vie, car personnes ne voulaient d’eux. En y pensant, si je n’avais pas été bébé, vu le caractère qui s’était développé, on n’aurait surement pas voulu de moi non plus. J’aurai été obligé de faire des petits boulots sales pour gagner ma vie, voir même voler de la nourriture pour subvenir à mes besoins.

J'attrapais un stylo dans ma poche et la serviette en papier qui avait accompagnée ma boisson chaude. Rapidement, je gravais les traits de mon interlocutrice sans me préoccuper des détails. Une fois le dessin terminé, je montrais mon œuvre. Même si je n'avais fait que reproduire un portait sommaire de la jeune fille, elle était reconnaissable.

- Je vais garder ça, ainsi tu sauras que au moins une personne, un étranger, ne t'oubliera pas

Si bien sur je n'oubliais pas de retirer la serviette en papier de ma poche avant de la mettre au lavage. J'avais tendance à ne pas vérifier si elles étaient vides ce qui m’avait valut plusieurs mauvais tours. Je ne comptais pas le nombre de Gils que j’avais perdu ou de brouillon de paysage glissé à la va vite.

Enfin, mise à part une enfance qui semblait misérable, Keelyn avait l'air de bien profiter de sa vie actuellement. Elle voyageait partout, sans aucune contrainte envers qui que se soit, contrairement à moi qui ne connaissais que les alentours de Edge et la ferme chocobo. C’était à l’autre bout du continent alors je ne pouvais malheureusement pas souvent y aller. Heureusement il y avait une écurie en ville où j’avais tout le loisir d’aller parler et bichonner les chocobos. Un jour, j’aurai le mien. Mais pour l’instant je devais me contenter d’une moto pour voyager. Je n'avais d’ailleurs même jamais été au port. L'odeur du poisson fraîchement pêché ne me donnait pas vraiment envie.

- Un jour, j'espère me rendre à Wutai pour savoir d'où je viens

Bien sur en lisant des livres, les montagnes enneigées m'avaient aussi vendu du rêve, de l'inspiration. Bien plus que le soleil brûlant de Costa Del Sol. Bien que je n’aie pas vraiment de patron - je comptais plus Otto comme un mec qui me poursuivait pour avoir des toiles à vendre- je ne disposait pas de suffisamment de moyens comme la jeune femme qui me faisait face.

Passés ses abords un peu froid, il n'était pas désagréable Enoch. Au fonds, Keelyn avait toujours apprécié les électrons libres. Ceux qui ne suivaient pas les codes et traçaient leur propre chemin peut importe ce qui se dressait sur leur route. Elle était un peu comme ça elle aussi. Jeune femme aux multiples visages. Si adaptable qu'elle en avait fait une vocation. Une profession de foi même. Peu de gens étaient capable de se glisser ainsi dans une vie qui n'était pas la leur. De jouer pendant des années, d'entretenir un réseau sans faillir. Sans se perdre. Quand tout n'était que mensonge, comment se rappeler de sa vérité ? Enoch lui ne semblait pas jouer. Nature. Brute de décoffrage. Il disait les choses telles qu'il les pensait sans enrober la vérité. Et c'était rafraîchissant dans ton monde de faux semblants.

Keelyn avait vu Enoch se saisir de sa serviette et griffonner son visage. Elle n'aurait sans doute pas du le laisser faire. Effacer une photo, il n'y avait rien de plus simple pour les pirates de la SHINRA. Un dessin par contre... Il restait. Et pourtant, Keelyn le laissa faire tout en sachant que c'était une erreur. Il se débrouillait bien Enoch. Ce n'était pas un artiste pour rien. Elle n'avait de toute façon pas envie de gacher ce moment par un excès de paranoïa. Un sourire orna ses lèvres tandis qu'elle quittait l'esquisse à regret et reportait son regard vers le jeune homme.

« J'arrive pas à croire que t'ai réussi à faire ça en si peu de temps. C'est incroyable. »

Elle, n'avait jamais eu la fibre artistique. Les bonhommes bâtons étaient ses principaux modèles et elle avait tendance à mettre plus de peinture sur elle que sur une toile. Du moins, les seules fois ou la TURK s'y était adonnée. Mieux valait qu'elle reste sur des valeurs sures. Se battre et jouer la comédie. En cela, elle excellait.

Ces talents lui permettait de mener sa barque, de voyager. Mais, contrairement à ce qu'elle avait dit à Enoch, la jeune femme devait rendre des comptes. A Tseng. A la Shinra. A Rufus aussi. Il lui était arrivée plus d'une fois de se retrouver à énoncer un rapport de mission nue au milieu de draps froissés. C'était d'ailleurs loin d'être aussi émoustillant qu'on l'imagine.

La mention de Wutaï n'avait pas vraiment surpris Keelyn. Ses traits ne sauraient mentir. De son côté, elle supposait être originaire de Midgar sans en avoir pourtant aucune certitude. C'était en tout cas là bas, dans les Taudis qu'elle avait grandit.

« Je suis sure que ça se fera. C'est très montagneux Wutaï. Beaucoup de pont vertigineux, des monts aux noms extravagants, des fontaines et d'immenses pagodes tout en rouge. »

Wutai, c'était aussi des forts en ruine et les ravages de la guerre. Une population revancharde à surveiller et, dans la mesure du possible, contrôler. Bien sûr, ça, elle ne pouvait le lui dire.

Elle aurait bien voulu continuer cette discussion mais la Compagnie semblait en avoir décidé autrement. Son PHS avait fait résonner sa douce mélodie. Keelyn ouvrit le mail qui lui était destiné pour découvrir un nouvel ordre de mission qu'elle effaça après l'avoir lu. Soupir. Elle allait devoir abréger cette entrevue.

« On dirait que le devoir m'appelle. Je viens de recevoir une offre de boulot pour une livraison près de la Mine. Ça m'a fait plaisir de te rencontrer en tout cas. Peut être qu'on se recroisera qui sait ? »

Kee fit signe à la serveuse avant de régler la note puis elle salua Enoch d'un dernier signe de la main.

« A bientôt ! »

Avant de quitter le café et te faire vrombir son moteur.

Le compliment lancé par Keelyn faisait plaisir à entendre même si je savais déjà que j'étais incroyable. Ce n'était pas pour rien que quelqu'un m'avais pris sous son aile non ? Mon art plaisait et c'était une réelle satisfaction que de le savoir. Ce que j'avais fait sur cette serviette n'était rien comparé à la peinture fait par mes soins qui se vendaient sur le marché. Peu importe où. Mais si déjà un brouillon mettait Keelyn dans cet état, c'était bien. Puis son visage durcit par la vie était un bon sujet, bien plus que les bourgeois à qui ils n'étaient rien arrivé mise à part de mettre de la boue sur leurs habits.

- Des années de pratiques

C'était aussi un peu l'explication. Quand tôt on m'avait mis des crayons entre les mains pour m'exprimer, naturellement le talent était venu. Je n'étais ceci dit pas toujours satisfait de ce que je peignais et la toile finissait à la poubelle. Peintre était loin d'être un travail facile car il fallait toujours - du moins pour moi - avoir de l'inspiration. Vu que je n'étais le genre de peintre qui s'installais au marché pour faire le portrait des gens. C'était un truc qui ne m'avait jamais intéressé. Je trouvais cette requête légèrement narcissique.

- Rien que cette description me donne envie de peindre

Ce qu'elle venait de me dire sur Wutai était une grande inspiration et mon esprit s'était déjà mis à imaginer tout un décor. Des hautes montagnes comme si on avait l’impression de toucher le ciel, des petites maisons rouges réconfortantes. Je voyais très bien la scène. Si un jour j'allai là-bas, je devrais impérativement emmener mon matériel pour laisser une trace quelque part. Pour le moment se rendre sur ce continent était encore hors de prix pour moi mais je ne désespérais pas un jour d'y mettre les pieds. Un désir de connaître mes racines dont seul Keelyn à présent était au courant. Je craignais la réaction de mon père si je lui annonçais que je voulais savoir d’où je venais. Il allait surement me faire une scène, que c’était inutile et que ça allait me faire plus de mal qu’autre chose. Surement ou peut être m’expliquer ce que ma défunte mère faisait à Kalm. Il y avait encore beaucoup d’ombres dans cette histoire. C’était logiquement lié à la guerre qu’il y avait eu avec la Shinra.

Le PHS de mon interlocutrice s'était ensuite mis à sonner, visiblement pour lui annoncer qu'elle avait du boulot à faire. C'était dommage, car cette petite discussion était sympathique mais bon, si la demoiselle avait une mission je ne pouvais pas la retenir.

- Peut être oui

Keeyn voyageait à droite et à gauche, et moi j'étais plutôt terré dans mon appartement alors ça allait être difficile de se croiser. Mais parfois le monde était vraiment petit. Quelques secondes après le départ de la blondinette, je quittais à mon tour le café tout en pliant soigneusement la serviette où reposait le portait de Keelyn dans ma poche. Même après un chocolat chaud j'avais encore un peu froid et me pressais vers chez moi pour prendre une douche bien brûlante.